MOSCOU (Reuters) - Moscou a suspendu ses livraisons d'hydrocarbures à l'Estonie, nouvel épisode du bras de fer qui oppose les deux pays après le déplacement d'un monument à la gloire de l'Armée rouge à Tallin.
La compagnie nationale russe de chemins de fer RzHD a justifié cette interruption par des travaux de maintenance sur le réseau ferroviaire.
Les chemins de fer russes ont également suspendu le transport de cargaisons de charbon via l'Estonie, en évoquant une pénurie de wagons, ont rapporté des exportateurs de charbon. Cette mesure sera effective tout le mois de mai et devrait bloquer l'exportation de 900.000 tonnes de charbon.
La Russe fournit du fioul, du gazole et de l'essence à l'Estonie. La majeure partie de ces hydrocarbures est ensuite exportée vers le nord de l'Europe à partir des ports de la Baltique.
Par le passé, la Russie a été accusée à plusieurs reprises par les pays occidentaux d'utiliser ses ressources énergétiques pour faire pression sur ses anciens voisins communistes.
L'annonce des "travaux de maintenance" sur le réseau ferroviaire intervient au sixième jour de la confrontation entre après le déplacement à Tallinn du mémorial des soldats soviétiques tués dans les combats de 1944, qui a provoqué des émeutes de la minorité russophone dans la capitale estonienne.
A Moscou, des manifestants bloquent en représailles l'ambassade d'Estonie.
Mercredi matin, une vingtaine de jeunes manifestants nationalistes ont fait irruption dans une salle où l'ambassadeur d'Estonie, Marina Kaljurand, devait donner une conférence de presse, dans un centre de presse de la capitale russe. Ils criaient "Honte à l'Estonie" et "Le fascisme ne passera pas".
Un autre groupe a empêché la diplomate de quitter l'ambassade pour aller tenir cette conférence de presse, ont rapporté des témoins.
PRODUITS ESTONIENS BOYCOTTÉS
L'Union européenne, inquiète de ces manifestations, va dépêcher une délégation à Moscou.
"Nous partageons les inquiétudes sur la montée des violences autour de l'ambassade d'Estonie à Moscou et nous appelons fermement les autorités russes à remplir leurs obligations, aux termes de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques", a déclaré la porte-parole de la Commission européenne.
Le Premier ministre estonien Andrus Ansip a discuté de la crise au téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays occupe la présidence de l'Union jusqu'à fin juin.
"Tout ce qui se passe prouve bien qu'on a affaire à une ingérence flagrante et délibérée dans les affaires intérieures de l'Estonie", a dit Ansip au Parlement.
"Nous nous sommes tournés vers l'Union européenne et nous lui avons demandé de prendre des mesures immédiates. Attaquer un des Etats membres, c'est attaquer l'Union tout entière", a-t-il ajouté.
Dans un communiqué, la présidence de l'Union a invité les deux parties à un "dialogue impartial (...) dans cette situation chargée d'émotion".
Le ministère russe des Affaires étrangères a fait savoir qu'il respecterait tous ses engagements, dans le strict respect des traités internationaux, et assurerait la sécurité du personnel de l'ambassade estonienne.
Le porte-parole du ministère, Mikhaïl Kaminine, a cependant ajouté que l'Estonie était seule responsable de la situation actuelle.
L'ambassade de Suède à Moscou a également protesté auprès du Kremlin car la voiture de son ambassadeur a été bloquée et attaquée par des manifestants à la sortie de l'ambassade d'Estonie.
Deux des plus grandes chaînes de supermarchés russes, Septième Continent et Kopeïka, ont par ailleurs confirmé avoir retiré les produits estoniens des rayons.
Photo ci-dessous: le Président estonien, Hendrik Ilves, ancien étudiant à l'université de Columbia, "salue" ses "frères".