ISRAEL A VENDU DES MASQUES A GAZ PERIMES A « SES » TRAVAILLEURS IMMIGRES
Publié le 12-03-2003
12 mars – Un scandale a éclaté mercredi en Israël, à la suite de la révélation que les autorités avaient vendu aux travailleurs immigrés sur son territoire des masques à gaz périmés.
Le gouvernement a distribué ces dernières semaines gratuitement, mais seulement aux personnes ayant la citoyenneté israélienne, des masques en gaz, dans le cadre d’une opération à visée essentiellement de conditionnement psychologique de la population. En effet, de l’aveu même de tous les dirigeants miliaires israéliens, le risque que l’Irak puisse envoyer sur Israël des engins porteurs de substances chimiques justifiant l’emploi d’un masque à gaz est voisin de zéro. Ce risque est ainsi qualifié « d’extrêmement improbable » par le chef d’Etat-major de l’armée.
Le gouvernement israélien, qui a dépensé des dizaines de millions de dollars dans cette opération politicienne (mais qui réclame parallèlement des aides financières beaucoup plus importantes à Washington) n’a pas été jusqu’à en fournir aux populations palestiniennes que son armée occupe. Non plus qu’aux 300.000 travailleurs venus des pays pauvres de la planète, qui assurent aujourd’hui (les Palestiniens étant interdits de séjour) des tâches essentielles à la marche du pays. Ceux-là ont eu le droit de se procurer des masques, mais en les payant de leur poche, le pays hôte jugeant qu’il n’était finalement pas responsable de leur sécurité.
Or, il a été révélé mercredi que les masques en question sont périmés. Voici un reportage sur les réactions des intéressés, réalisé par un correspondant de l’AFP à Tel-Aviv.
TEL-AVIV, 12 mars (AFP) - Les informations selon lesquelles les masques à gaz vendus par l’armée israélienne aux travailleurs immigrés étaient périmés ont outré mercredi les milliers de ces travailleurs vivant dans le quartier pauvre proche de l’ancienne gare routière de Tel-Aviv. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans ce quartier insalubre de l’est de la grande métropole israélienne où se côtoient les travailleurs venus d’Afrique, de Chine, d’Asie et d’Europe de l’Est. "C’est vraiment dégueulasse. Des amis m’ont téléphoné pour me mettre au courant. Ici, les gens sont furieux", dit un travailleur philippin du quartier déshérité de Neveh Shaanan. Le scandale, éventé par la deuxième chaîne de télévision israélienne, a suscité de vives critiques du secrétaire du Parti travailliste (opposition) Ofer Pines. "Il s’agit d’une politique cynique et inhumaine à laquelle il faut mettre fin immédiatement. On ne peut pas accepter de vendre à des étrangers qui vivent chez nous des masques dont nous ne voulons plus", a affirmé M. Pines à la radio publique. Pour s’équiper de ces masques produits avant 1984, les quelques 300.000 immigrés légaux et illégaux vivant en Israël doivent pourtant verser 200 shekels (40 dollars) alors que les Israéliens reçoivent ce matériel, neuf, gratuitement. La moitié de la somme versée par les immigrés leur sera remboursée lorsqu’ils rendront leurs masques. Selon la radio publique, ces vieux masques ont été prélevés sur des stocks constitués de masques que les Israéliens ont restitués pour en obtenir de nouveaux. Trente-trois mille de ces masques ont déjà été vendus, selon la presse. "Pourquoi nous ont-ils fait ça ? Nous devons débourser 200 shekels, ce qui n’est pas rien pour nous qui gagnons difficilement notre vie", dit Michèle, une employée de boutique originaire de Singapour. La jeune femme qui s’exprime en hébreu a obtenu, gratuitement, comme tous les Israéliens, son masque à gaz, vu qu’elle possède une carte d’identité israélienne. Mais ses proches, ont dû payer les 200 shekels pour obtenir leur kit. "Masques ? Non, pas masques ! Trop cher !", lancent dans un hébreu approximatif deux chinois qui se tiennent devant une misérable épicerie. "J’en ai acheté un, mais je ne comprends vraiment rien à ces histoires de masques périmés", dit désemparée, Joséphine, employée de maison philippine âgée de 43 ans. L’affaire a scandalisé de nombreux Israéliens du quartier. "On s’est vraiment foutu d’eux", lance un boutiquier. "On devrait faire une annonce en diverses langues pour les informer car la plupart d’entre eux ne parlent pas l’hébreu", dit-il. Georgio, un coiffeur philippin de 35 ans installé dans le pays depuis sept ans ne cache pas sa colère. Il dit avoir alerté tous ses amis par téléphone. "Des gens m’ont dit de m’adresser à notre ambassade. Ils viennent généralement à notre aide", dit-il. "Les kits (masques à gaz) remis aux travailleurs étrangers ont passé tous les tests requis et ont été trouvés parfaitement conformes (aux normes) pour une période de plus de six mois", a indiqué le ministère israélien de la Défense, dans un communiqué. "Ceux remis aux citoyens israéliens ont, évidemment, une durée de vie substantiellement plus longue que la période passée dans le pays par un travailleur étranger, la distribution de tels kits permettant d’éviter de les renouveler trop souvent", ajoute ce communiqué. Optimiste, Samson, 39 ans, un travailleur immigré venu du Ghana, balaye d’un revers de main ces explications. "De toute façon, je n’achèterai pas de masque vu qu’il n’y a aucun danger que les Nations unies permettent au président américain George W. Bush d’attaquer l’Irak", dit-il.
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