| Gesta Dei Per Francos Regnum Galliae, Regnum Mariae ! |
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| Les petites vertus du foyer. | |
| | Auteur | Message |
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Martial Demolins Chevalier
Nombre de messages : 647 Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Les petites vertus du foyer. Ven 8 Fév - 23:34 | |
| Je vais poster les différents chapitres d'un ouvrage intitule Les petites vertus du foyer, écrit par Mgr Chevrot (plus d'infos à prendre avec des pincettes (wikipedia oblige) ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Chevrot ). Voici la table des matières des chapitres qui sont relativement courts : - Citation :
- La petite vertu de courtoisie
La petite vertu d'effacement La petite vertu de gratitude La petite vertu de sincérité La petite vertu de discrétion La petite vertu d'espérance La petite vertu de bonne humeur La petite vertu de bienveillance La petite vertu d'économie La petite vertu d'exactitude La petite vertu de diligence La petite vertu de patience La petite vertu de persévérance J'essairai de poster un chaptitre par semaine. Ce sont, à l'origine, des causeries radiophoniques dominicales. | |
| | | Martial Demolins Chevalier
Nombre de messages : 647 Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Re: Les petites vertus du foyer. Ven 8 Fév - 23:34 | |
| LA PETITE VERTU DE COURTOISIE
Dans une lettre à Madame de Chantal, saint François de Sales écrivait : Petite courtoisie, basse vertu, mais marque d'une bien grande... Et il faut s'exercer aux petites vertus, sans lesquelles les grandes sont souvent fausser et trompeuses. Il est rare, en effet, qu'on s'extasie devant une personne régulièrement affable et polie. Cependant, cette affabilité et cette politesse supposent une bienveillance et une maîtrise de soi peu communes. Or il existe un certain nombre de petites vertus qui, pareilles à la courtoisie, ne soulèvent pas une admiration bruyante ; mais lorsqu'elles font défaut, les relations entre hommes sont tendues, pénibles, orageuses même, au point d'aboutir parfois à des désastres. Ces « basses vertus » sont exactement celles qui rendent supportables et agréable notre vie de tous les jours. C'est pourquoi je voudrais consacrer cette série de causeries aux petites vertus des foyers chrétiens. A première vue, c'est là un propos bien modeste. Pourtant, n'est-il pas logique que ce soit d'abord au foyer que l'enseignement du Christ apporte sa lumière, sa chaleur et ses semences de joie ? Au vrai, n'est-ce pas avant tout entre les quatre murs de la pièce où vous vous trouvez en ce moment que vous avez à observer la loi de Jésus-Christ ? Sur ce point, il y aurait quelques erreurs à rectifier dans beaucoup d'esprits.
Les uns s'imaginent que le seul objet de la religion est de garantir aux hommes la félicité dans un autre monde. A coup sûr, Jésus-Christ nous a fait cette promesse et c'est pour nous l'obtenir que le Fils de Dieu a pris rang dans la famille humaine, qu'il s'est incarné et qu'il nous a rachetés. Toutefois, ce don prodigieux d'un bonheur éternel, sans communes mesure avec nos ressources et nos ambitions, a pour condition notre foi, notre bonne volonté, nos efforts sincères, toutes choses qu'il nous faut accomplir dès maintenant. En réalité, nous n'avons qu'une vie qui, par delà la mort, n'aura pas de fin. Notre éternité bienheureuse est commencée dès le jour de notre baptême. C'est ici, sur terre, que nous commençons notre ciel, en priant Dieu et en observant ses commandements. La religion n'est pas seulement une affaire qui concerne l'au-delà ; elle a bel et bien sa fonction dans l'en-deçà. Elle doit régler notre vie présente.
Je dis notre vie présente, par conséquent notre vie réelle, notre vie quotidienne. Là-dessus aussi, bien des gens se trompent et parfois de bons chrétiens. Ceux-là opèrent une séparation artificielle entre ce qu'ils appellent la vie profane et les devoirs de la religion, lesquels formeraient une brève parenthèse dans la vie de tout le monde. Mais si, pour la plupart des hommes, le temps réservé à la prière set forcément plus court au regard de leurs autres occupations, n'oublions pas que nous vivons toute la journée sous le regard de Dieu, et que nous lui devons constamment l'hommage de notre obéissance, cet hommage se traduisant par l'offrande explicite de toutes nos activités. A proprement parler, l'expression « vie profane » n'a pas de sens pour un chrétien, car sa vie toute entière est consacrée à Dieu, qu'il doit honorer en toutes ses actions, jusqu'aux plus ordinaires. Que vous mangiez ou que vous buviez, écrit saint Paul, quoi que vous fassiez, faites tout pour la plus grande gloire de Dieu.
Certaines personnes se désolent de n'avoir pas le temps de se rendre fréquemment à l'église : dans la complexité actuelle des travaux domestiques, elles ne trouvent pas le temps d'accorder à Dieu une longue prière. Ne croyez-vous pas que, très courte, votre prière puisse cependant être très fervente ? Et pourquoi chercher Dieu sur une route où il ne vous attend point ? Il vous donne rendez-vous sur le chemin où sa providence vous a placés : c'est là que vous le rencontrerez sûrement, parmi vos obligations journalières. Pensez seulement à le luis offrir en les remplissant de votre mieux. Vos journées s'écoulent soit sur le lieu de votre travail, soit à l'intérieur de votre maison ... C'est là que vous avez à pratiquer les vertus chrétiennes.
Certes vous devez y observer quelquefois des devoirs très graves - il s'agit alors de vous dévouer à un malade ou de faire face à une situation matérielle critique, ou bien de pardonner à des torts qui vous ont fait souffrir, - mais en règle générale, un chrétien en se dérobe pas devant les vertus difficiles et l'occasion ne s'en présente que par intermittence. En revanche, la vie familiale implique quantité de petits devoirs qu'on néglige souvent, ou parce qu'ils sont très nombreux, ou parce qu'ils ne paraissent pas très importants. Ils le sont néanmoins, et c'est le motif pour lequel ils méritent notre attention. Au surplus, comme le faisait remarquer Saint François de Sales, ces basses vertus réclament une grande vertu, c'est à dire un grand amour, celui qui se manifeste dans les plus petits détails. En vous en proposant la pratique, ce n'est pas une perfection au rabais que je vous prêcherai, mais la divine vertu de charité, dont les petites vertus du foyer sont comme la menue monnaie.
Excusez-moi de m'être attardé à ces réflexions préliminaires : il le fallait pour vous expliquer mes intentions. Aurai-je encore le temps de vous présenter la petite vertu de courtoisie ? Quelques mots y suffiront. Quel charmant intérieur que celui où tous s'efforcent de se montrer polis et avenants, nos ancêtres disaient courtois ! Être poli, le mot l'indique, suppose que nous adoucissions les aspérités de notre caractère. Un objet qui n'a pas été poli est qualifié de grossier, et cette épithète, lorsqu'on l'applique aux hommes, n'a vraiment rien de flatteur. Mais voilà, la politesse est assez souvent considérée comme un article d'exportation. Courtois et affable pour les gens du dehors, une fois rentré chez soi, on ne se gêne plus. Après tout, ne revient-on pas à la maison pour se détendre ? Soit, pourvu que le ressort ne blesse personne en se détendant trop brusquement. Est-il indispensable pour se délasser de grossir démesurément la voix ou de prendre des airs rébarbatif ? Froncer les sourcils ou faire la moue ne sont pas le signe d'une vraie détente au lieu que le sourire, les attentions et les prévenances mutuelles créent au foyer une atmosphère de repos et de paix. Le courtois n'oblige pas seulement les inférieurs envers les supérieurs. Gardez-vous, disait Notre-Seigneur, de mépriser aucun de ces petits. Jésus veut que nous respections en tout homme sa double dignité d'être raisonnable et d'enfant de Dieu. Tout homme, quelle que soit sa condition, a droit à nos égards. On ne saurait mieux définir la courtoisie.
Votre foyer sera un foyer chrétien si déjà tous y rivalisent d'égards les uns pour les autres. Ayez égard à l'âge des anciens dont les cheveux ont blanchi ; Ayez égard à la faiblesse de ceux que vous devez conseiller ou reprendre ; ayez égard à la fatigue de ceux qui se replient un peu trop sur eux-mêmes. Bannissez de votre vocabulaire et de vos attitudes les rudesses qui n'expriment pas les vrais et profonds sentiments d'affection que vous éprouvez les uns pour les autres. Voulez-vous vous y appliquer cette semaine ? Je vous promets huit jours de bonheur.
Dernière édition par le Mar 19 Fév - 18:48, édité 1 fois | |
| | | Martial Demolins Chevalier
Nombre de messages : 647 Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Re: Les petites vertus du foyer. Sam 9 Fév - 21:31 | |
| LA PETITE VERTU D'EFFACEMENT
Pas de charité sans le respect d'autrui qui se traduit par les égards que nous lui rendons ; mais pour que la courtoisie règne à votre foyer, une seconde vertu y est nécessaire, la petite vertu d'effacement.
Vertu évangélique à n'en pas douter. Voyez la Bienheureuse Vierge Marie. Le début du récit de saint Luc gravite autour d'elle ; c'est elle qui obtient de son Fils le miracle de Cana ; puis elle n'intervient plus qu'une fois durant la mission du Sauveur. Le reste du temps, elle disparaît, laissant la place aux saintes femmes qui prennent soin du Maître et des apôtres. Elle s'efface jusqu'à l'heure tragique de la croix, où elle revient auprès de son Jésus qui va mourir. Quel autre modèle d'effacement que saint Joseph ! L'évangile signale sa présence chaque fois que l'Enfant et sa Mère ont besoin de ses services. Après quoi, il n'est plus question de lui. Quant à Jésus, le Fils de Dieu qui s'est abaissé à notre niveau de créature, rappelez-vous comment il se dérobe aux ovations des foules. Il ne veut pas qu'on ébruite les guérisons qu'il opère. Il s'efface devant son Père dont il n'est que l'envoyé. Je suis venu, déclarait-il, non pour être servi, mais pour servir. Aussi peut-il recommander à son disciple de ne pas briguer les situations honorifiques : Toi, lui dit-il, lorsque tu es invité à un festin, va te mettre à la dernière place. Si tu es digne d'un rang plus élevé, on saura bien t'y conduire.
Vous avez entendu le conseil de Notre-Seigneur : « Efface-toi devant les autres. Si tu as le choix, occupe la dernière place. » Ne vous en plaignez pas, vous serez ainsi plus près de lui. Charles de Foucauld, l'ermite du Hoggar dont vous connaissez l'étrange carrière, dut sa conversion à cette simple parole de l'abbé Huvelin : Jésus a tellement pris la dernière place que personne n'a pu la lui ravir. Mais – il y a toujours un mais – notre amour-propre ne trouve pas son compte dans cet effacement, et il a vite fait de revendiquer ses droits quand il ne les exige point, ce qui se produit souvent. S'effacer ? Disparaître ? On la lui baille belle. L'amour-propre s'affirme, il s'étale, il s'installe, il ramène tout à lui. Vous lui opposez les autres ? Il ne reconnaît que ce que les autres lui doivent ou ce qu'il peut en tirer. De là surgissent les conflits qui ruinent la bonne entente entre les hommes. « Pourquoi passerais-je après les autres, ne suis-je pas aussi capable qu'eux ? pensera l'un. - J'ai les mêmes besoins qu'eux, opine l'autre, et pour le moins autant de mérites. - Je suis le chef, estime un autre, mon rôle est-il de m'effacer, puisque je dois exercer l'autorité ? » Et l'on n'est plus éloigné de conclure que l'humilité ne peut être tenue pour une vertu, car si on la mettait en pratique, elle conduirait à l'annihilation de toute personnalité. Voilà qui dénote une extrême confusion dans les idées. L'évangile – nous aurons l'occasion de le redire – est une école de grandeur et d'audace. Bien loin de nous annihiler, il nous oblige au contraire à tirer tout le rendement possible de nos qualités naturelles, à nous mettre en avant pour agir, mais après avoir agi de notre mieux, à ne plus nous mettre en valeur. C'est le premier aspect de la vertu d'effacement.
Au reste, le mot l'indique assez clairement. L'écolier n'aurait rien à « effacer » sur son ardoise s'il n'y avait auparavant inscrit des chiffres ou des lettres. Je ne puis m'effacer qu'après avoir agi ; je ne puis disparaître qu'après m'être montré. L'humilité ne consiste pas à se cacher pour ne rien faire, mais à ne pas s'admirer quand on a fait le plus et le mieux possible. Je dirai davantage. Si l'on veut réussir un travail, il faut n'avoir en vue que ce travail, sans chercher les applaudissements. Si l'on veut parler utilement, il faut songer uniquement à ce qu'on dit, sans s'écouter parler. On ne saurait être à la fois spectateur et acteur ; on ne peut pas se mettre à la fenêtre pour se voir passer dans la rue. Le bon ouvrier est tout entier à son oeuvre ; il s'efface devant elle. Pourvu qu'elle soit bien faite, il est satisfait et il répudie comme indignes de lui tout retour de vanité et tout sentiment de suffisance. Prétendra-t-on que sa modestie l'a annihilé ? Je trouve pour ma part que cet humble est singulièrement fier? Car la fierté n'est pas de l'orgueil : bien plus, elle l'exclut.
Non seulement la petite vertu d'effacement ne nous diminue pas, mais elle présente un autre aspect sous lequel elle s'apparente à la charité. Le disciple de Jésus-Christ, s'il ne s'admire point, se plaît en revanche à reconnaître ce que les autres font de bien, et surtout ce qu'ils font de mieux que lui-même. On ne l'entend pas se vanter, mais il est le premier à louer joyeusement les succès d'autrui. Comme il disparaît derrière son oeuvre bien faite, il s'efface très simplement devant les qualités et les mérites de ses semblables. De cette disposition, saint Paul n'hésite pas à faire un précepte universel. Que chacun d'entre vous, écrit-il, estime en toute humilité que les autres lui sont supérieurs. Ne vous récriez pas. L'Apôtre ne vous demande pas de nier l'évidence. Non, ne fermez pas les yeux sur vos propres qualités ; vous aussi, sur plusieurs points vous êtes plus habiles ou plus vertueux que bien des gens. Il n'en est pas moins vrai que même ceux auxquels vous avez le droit de vous juger supérieurs ont des aptitudes et peut-être aussi des vertus que vous ne possédez pas, du moins au même degré. Si nous observons avec objectivité, il n'y a personne qui ne nous dépasse par quelque endroit : tel est plus énergique, tel autre plus adroit, celle-ci est plus vive, celle-là plus indulgente. Cherchons toujours à reconnaître les qualités des autres et effaçons-nous loyalement devant leur supériorité.
Un pas de plus et nous arrivons à la perfection. Puisque les autres ont comme nous des mérites et des droits, pourquoi exigerions-nous qu'ils se plient toujours à toutes nos volontés ? Sachons nous effacer devant les désirs ou les préférences de ceux avec qui nous vivons. Assurément, il y a des circonstances où un chef de famille doit imposer sa décision, sous peine de trahir son devoir d'état ; mais alors, ce n'est pas son opinion ou son goût personnel qu'il fait prévaloir : il exige le respect d'une loi supérieure à laquelle il se soumet le premier. En dehors de ces cas où l'autorité a le devoir d'exercer ses responsabilités, la bonne entente sera toujours mieux assurée au foyer lorsque chacun se proposera de faire plaisir aux autres.
Nul ici ne me contredira, je pense. Si la mère a mérité d'être appelée la reine du foyer, c'est moins parce que tous lui obéissent que parce qu'elle s'efface continuellement pour se mettre au service de tous. Jésus n'a-t-il pas affirmé que le plus grand est celui qui sert les autres ? Eh bien ! Il serait injuste que la maman fût la seule à s'effacer. Tous doivent l'imiter et, ce faisant, tous contribuent au bien-être du foyer. Les foyers malheureux sont ceux que régissent les deux affreuses lois du « chacun pour soi » et du « moi d'abord ». Au règne de l'égoïsme, le Christ a substitué celui de l'amour, qui implique l'oubli de soi. Dans les foyers chrétiens, l'ordre égoïste est renversé : « Les autres d'abord ; moi ensuite. » On trouve son bonheur à rendre les autres heureux. Au lieu de s'emparer du siège le plus confortable ou de guetter la meilleure part, chacun songe à les offrir aux autres et il se réjouit de leur accorder ce plaisir. Les époux sont toujours d'accord lorsque, avant d'exprimer un désir, le mari et la femme chacun de son côté, s'interrogent intérieurement : « Que préfère-t-elle ? » « Que souhaiterait-il ? » C'est à qui voudra contenter l'autre. Et vous les enfants, croyez-vous que pape et maman ne renoncent pas souvent à leurs aises pour vous donner une satisfaction ? Ils sont heureux de votre joie. A votre tour, ne laissez passer aucune occasion de deviner leurs préférences et effacez-vous gentiment, sans le faire remarquer. Ne dites pas : « On ne pense pas à moi, je suis sacrifié. » Dans une famille où tout le monde s'efforce de pratiquer la vertu d'effacement, nul n'est sacrifié. On n'a plus le besoin de penser à soi, les autres y pensent avant vous. Nul n'est oublié lorsque chacun s'oublie pour les autres. - C'est le paradis sur terre ? Ma foi, je le crois bien, et je souhaite de tout mon coeur que vous en fassiez l'expérience. | |
| | | Martial Demolins Chevalier
Nombre de messages : 647 Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Re: Les petites vertus du foyer. Mar 19 Fév - 18:49 | |
| LA PETITE VERTU DE GRATITUDE
La petite vertu de gratitude complète la première trilogie des vertus du foyer. On s'efface sans effort devant les autres dès qu'on songe à ce qu'ils nous donnent, et notre reconnaissance se manifeste en usant de courtoisie à leur égard. Au sein des familles, l'ingratitude positive, celle qui se traduit par de la méchanceté, est heureusement peu fréquente. L'enfant ingrat qui s'enfuit de la maison paternelle en claquant les portes, le père despote qui traite sa femme et ses enfants en esclaves cnostituent des monstruosités. Ce qui est moins rare, en revanche, c'est l'oubli des services que les autres nous rendent ou seulement la fâcheuse habitude de ne jamais leur en exprimer notre contentement. A ces défauts regrettables, il convient d'opposer la petite vertu de gratitude.
Les oublieux sont, paraît-il, assez nombreux. Un épisode de l'Evangile nous autoriserait à le croire, je veux parler des dix lépreux que Jésus avait guéris aux abords d'un village. Lorsque ces gens virent que leur mal avait disparu, il ne s'en trouva qu'un pour venir se jeter aux pieds du Sauveur et le remercier. Jésus ne put s'empêcher d'en faire la remarque : Est-ce que les dix n'ont pas été guéris ? Où sont les neuf autres ? Ceux-là sans doute bénissaient dans leur coeur l'envoyé de Dieu qui avait eu pitié de leur misère ; mais, pressés d'aller faire constater leur guérison par les autorités officielles afin de pouvoir rentrer dans la vie commune, ils négligèrent une démarche de reconnaissance pourtant bien élémentaire. Or les neuf oublieux étaient des compatriotes de Jésus, et le seul qui ait pensé à lui montrer sa gratitude était un Samaritain, un étranger ! Notre-Seigneur souligne lui-même ce contraste à première vue paradoxal, mais qui n'est pas chose inouïe. Alors que souvent l'on attend en vain les remerciements de personnes qu'on a aidées au prix de réels sacrifices, d'autres pour qui nous avons fait beaucoup moins s'en souviennent longtemps après et ne savent qu'imaginer pour nous payer de retour. N'arrive-t-il pas encore, qu'attentifs à remercier un étranger d'un bienfait occasionnel, nous ne semblons même pas apercevoir les services de chaque jour que nous rendent nos proches ? De leur part, ces gentillesses sont tout ce qu'il y a de plus naturel. Soit, mais il le serait aussi de leur dire que nous y sommes sensibles.
Notre mémoire est singulièrement capricieuse, à moins que ce ne soit notre coeur. Si nous oublions une amabilité dont nous avons été l'objet, avec quelle précision nous retenons le souvenir d'un manque d'égard ou d'un mot blessant ! Un proverbe l'affirme : Mémoire du mal a longue trace, mémoire du bien bientôt passe. Comme nous savons rappeler aux autres nos bons offices ou la peine que nous avons prise pour les obliger ! Le souvenir des bienfaits rendus est plus tenace que celui des bienfaits reçus. La vanité s'entend si bien à fausser les perspectives ! Et sans doute est-il moins grave que nos ingratitudes soient imputables à une démangeaison de l'amour propre plutôt qu'à un défaut d'affection envers ceux qui nous aiment ; le mieux serait pourtant que notre affection fût assez forte pour nous demeurer toujours à l'esprit. Il faut donc combattre notre maudite amour-propre et commencer la lutte de bonne heure. En quel foyer n'a-t-on pas entendu le dialogue suivant ? A la table familiale, l'enfant demande un morceau de pain à son père. Celui-ci saisit la miche et en taille une bonne tranche, où l'enfant mord aussitôt à pleines dents. - Eh bien ! Interroge le papa, qu'est-ce qu'on dit ? La bouche pleine, le moutard murmure un timide merci. - Merci qui ? Merci , papa ... Et combien de fois cette scène ne se reproduira-t-elle pas ? L'un des premiers mots articulés par vos bébés est : non. Celui-là, inutile de le leur apprendre, mais combien de répétitions sont nécessaires pour leur inculquer l'habitude de dire : merci. Instinctivement, ils tendent la main pour recevoir : « Encore, encore !... » Le remerciement, lui, ne remonte pas des sombres régions de l'instinct ; il sort d'une conscience que l'éducation a éclairée.
Beaucoup d'adultes demeurent à cet égard des petits enfants toute leur vie. Ils ne sont jamais satisfaits ; ils réclament encore ; ils veulent toujours plus. Comment les amener à reconnaître que ce qu'il leur manque est peu de chose à côté de tout ce qu'ils ont reçu ? Comment surtout les persuader d'apprécier davantage ce qu'ils possèdent ? Ils devraient eux aussi apprendre à dire merci. Merci, ce tout petit mot joyeux qui se termine par une sonorité cristalline, c'est le mot magique qui introduit au foyer la courtoisie, le bon ordre et la sérénité. Merci, c'est déjà la prière d'un foyer chrétien qui s'élève vers Dieu pour lui rendre grâces. Avez-vous remarqué la place qu'occupe cet acte de gratitude dans nos prières usuelles ? Nous disons le matin : « Mon Dieu, je vous remercie de toutes les grâces que vous m'avez faites jusqu'ici. C'est encore par un effet de votre bonté que je vois ce jour ... » Et le soir : « Quelles actions de grâce vous rendrais-je, ô mon Dieu, pour tous les biens que j'ai reçus de vous. Vous avez songé à moi de toute éternité, vous m'avez tiré du néant, vous avez donné votre vie pour me racheter, et vous me comblez encore tous les jours d'une infinité de faveurs ... » Réfléchissez-y, il n'a pas un seul jour où Dieu ne vous ait accordé un bienfait particulier ; même dans nos jours d'épreuve, cherchons bien, nous observerons qu'à côté de notre tristesse, il s'est glissé une petite joie. Et n'est-ce pas un grand bonheur que l'union qui règne à votre foyer ? Vous qui aimez, remerciez Dieu d'un sort aussi doux. Mais sachez vous l'adressez également les uns aux autres ce petit mot qui coûte si peu à dire et qui fait tant de bien à entendre. Avant de vous endormir, repassez quelquefois dans votre esprit tout ce que, dans la journée qui s'achève, vous avez reçu des autres. De tous les autres, car le nombre est considérable des hommes et des femmes qui travaillent chaque jour pour vous nourrir, vous vêtir, vous procurer les commodités de l'existence. Même si vous limitez ce calcul aux membres de votre famille, vous serez littéralement émerveillés de tout ce qu'en un seul jour vous recevez d'eux : tout ce qu'ils vous ont appris ; les conseils qu'ils vous ont donnés ; la main-forte qu'ils vous ont prêtée ; tantôt un encouragement, tantôt un avertissement, mais toujours pour votre bien ; une parole aimable qui vous a touchés, un mot drôle qui a dissipé vos tracas ; leurs succès dont vous avez été fiers ; leurs efforts qui ont stimulé les vôtres. Le compte est bon de ce qu'au foyer chacun reçoit des autres. Et voilà certes de quoi vous engager à n'être pas toujours celui qui reçoit. Demandez-vous donc : « Que leur ai-je donné ? Que puis-je leur donner en retour ? » Mais en attendant l'occasion de les servir avec autant de générosité, ne manquez pas celle de leur dire merci lorsqu'elle se présente. Merci au moindre service rendu par qui que ce soit, mais prononcé sans affectation, comme on échange un regard. A lui seul ce petit mot récompense de toutes les peines ; il répare au besoin la phrase un peu vive qui vous a échappée auparavant ; il équivaut à un sourire et souvent il le provoque ; il rend heureux celui qui le dit et celui à qui on l'adresse. Il est frappant d'observer qu'au moment où Notre-Seigneur se rend volontairement à la mort pour mériter aux hommes une vie éternelle, il a tenu à remercier ses apôtres de l'attachement qu'ils lui avaient prouvé tant qu'il vivait avec eux. Vous, leur dit-il, vous êtes demeurés auprès de moi dans mes épreuves. La grandeur de l'âme de Jésus se révèle dans cette délicatesse. Il n'a cessé de combler ses apôtres, il leur a tout donné, et c'est lui qui les remercie. N'est-ce pas toujours le propre d'un coeur vraiment généreux que de se montrer reconnaissant envers les autres du peu qu'ils essayent de faire pour lui ? Les ingrats se recrutent parmi les coeurs égoïstes, les esprits mesquins et les caractères médiocres. La petite vertu de gratitude est la preuve d'un grand coeur. Même envers celui qui est maladroit ou qui se trompe, du moment qu'il a bonne volonté, soyez reconnaissants au moins de son intention. Quant à celui qui vous parle en ce moment, puisque vous avez eu la patience de l'écouter, il ne peut mieux terminer qu'en vous disant merci. | |
| | | Martial Demolins Chevalier
Nombre de messages : 647 Date d'inscription : 17/03/2007
| Sujet: Re: Les petites vertus du foyer. Ven 13 Mar - 0:18 | |
| La PETITE VERTU DE SINCÉRITÉ
Dites oui, si c'est oui ; non, si c'est non. Telle est la règle que Jésus impose à ses disciples. Il veut qu'on puisse nous croire sur parole.
Il n'y a pas de vie sociale possible, en effet, si l'on ne peut pas se fier aux déclarations d'autrui. Tromper quelqu'un, c'est le traiter en ennemi, c'est du même coup se déshonorer et se rendre indigne de confiance. On comprend que Notre-Seigneur n'accepte pas que des lèvres chrétiennes profèrent un mensonge. Pas de faux-fuyant ni de ruses : disons simplement la vérité : oui, si c'est oui ; non, si c'est non.
Je vous ferais injure si je paraissais seulement supposer qu'on ose mentir dans un foyer chrétien. Je serai plus catégorique : là où sévit le mensonge, il y a peut-être encore les apparences d'un foyer, mais les murs en sont lézardés et la ruine, hélas ! est prochaine. On ne peut pas s'aimer en dehors de la vérité, et, dans le langage de l'affection, le mensonge est ni plus ni moins une trahison. Mais s'il est superflu et, je le répète, offensant de rappeler le devoir de la franchise aux membres d'une famille unie, en peut-on dire autant de la petite vertu de sincérité ?
Quand un jeune moutard s'embrouille dans les explications qu'il donne de sa conduite, la maman l'interrompt : «Qu'est-ce que tu me racontes-là ? Ton nez remue. » Et sans doute si le coupable se regardait dans la glace, constaterait-il à son tour la véracité de sa mère. Cependant, celle-ci ne s'y trompe pas. Les narines, les lèvres, les paupières du petit hâbleur marquent un léger frémissement qui révèle qu'il est en train de prendre quelques libertés avec la vérité. Or ce défaut n'est pas seulement le fait des petits ; les grands, même les très grands y sont également sujets, et, qu'on le veuille ou non, ces entorses à la vérité constituent un certain abus de confiance, elles risquent en outre d'ouvrir la porte à des tromperies plus graves. On doit se les interdire.
Le propre de la sincérité est de ne vouloir dire que des choses vraies. Quelques-un ont avancé que ce mot viendrait du latin sine cera, sans cire, par allusion aux cires, pâtes et onguents dont les dames romaines se servaient pour masquer les rides de leur visage. Nos Françaises connaissent ces secrets de beauté, et puisqu'elles les emploient, je pense, dans le désir d'être plus agréables à ceux qui les entourent, on se montrerait bien sévère à les blâmer d'une aussi louable attention, encore qu'aucun apprêt ne vaudra jamais la fraicheur naturelle de la jeunesse. Mais on ne saurait excuser quiconque recourt à des artifices similaires pour enjoliver, colorer ou farder la vérité.
La sincérité porte sur ce que nous pensons et sur ce que nous faisons.
Elle nous oblige donc en premier lieu à ne pas être de l'avis du dernier qui a parlé et à ne pas dissimuler notre manière de penser. Il arrive en famille que, sous prétexte de charité, on préfère abonder dans le sens de ceux qui manifestent plus énergiquement leur opinion. Par crainte de les irriter, on dit amen à tous leur jugements. «Pourquoi les contredire, puisqu'on ne les convaincrait pas ?» Sans doute assurez-vous ainsi votre tranquillité, mais ne couvrez pas votre reculade sous des dehors charitables. Est-il flatteur pour les autres de leur attribuer un caractère entier et autorcroyons les avoir vues ou entendues, telles du moins que nous les avons comprises, ainsi que pour exprimer nos jugements avec les nuances qu'exige le risque que nous courons toujours de dénaturer tant soit peu la réalité.
Toutefois, le risque est plus grand lorsque nous parlons de ce que nous avons fait nous-mêmes. Il faut un fier courage pour ne pas accentuer ce qui nous met en valeur itaire ? Si vous croyez qu'ils se trompent, la charité vous conseillerait plutôt de les éclairer doucement, en leur soumettant votre point de vue qui peut élargir leur vision. La charité ne vous contraint pas à adopter une opinion que vous ne partagez point, elle veut seulement que vous ne blessiez pas les autres en émettant un avis différent du leur.
Lorsque le roi saint Louis demanda au sire de Joinville s'il ne lui semblait pas moins grave d'être atteint de la lèpre que de commettre un péché mortel, Joinville ne craignit pas de lui avouer ingénument sa façon de penser. «Et moi, reprit-il, qui oncques ne mentis, je lui dis que j'aimerais mieux avoir commis dix péchés mortels que d'être frappé de la lèpre.» Certes, le souverain avait raison et nous admirons sa sainteté, mais la loyauté du chevalier n'est pas moins admirable : «Moi qui jamais ne mentis...» Voilà le type de l'homme sincère, incapable de feindre.
La vertu de sincérité ne s'exerce pas seulement dans l'expression de notre pensée, mais sur le champ plus vaste des faits dont nous sommes les témoins ou les auteurs. Sur ce point, bien des gens ont du mal à être parfaitement objectifs, parce qu'ils ne voient pas seulement les faits avec leurs yeux et ne les jugent pas uniquement avec leur froide raison. Ils les interprètent sous l'impulsion, souvent inconsciente, de leurs désirs ou de leurs craintes, de leur sympathie habile à excuser leurs amis ou de leur antipathie prompte à soupçonner une mauvaise intention chez les autres. Savez-vous que l'office de témoin n'est pas facile à remplir ? S'en bien acquitter supposerait que notre attention ait tout observé et que notre mémoire ait tout retenu aussi exactement qu'une plaque photographique. Aussi, à défaut d'une objection absolue, rarement possible, on doit – et cela est une vertu – posséder assez de désintéressement pour déclarer que nous croyons les avoir vues ou entendues, telles du moins que nous les avons comprises, ainsi que pour exprimer nos jugements avec les nuances qu'exige le risque que nous courons toujours de dénaturer tant soit peu la réalité.
Toutefois, le risque est plus grand lorsque nous parlons de ce que nous avons fait nous-mêmes. Il faut un fier courage pour ne pas accentuer ce qui nous met en valeur ou ne pas atténuer ce qui nous est défavorable. Mais grossir la vérité ou la rogner adroitement, c'est toujours l'altérer. Pauvre vérité, il parait qu'en sortant du puits elle n'a pas de vêtement : ce spectacle nous est rarement accordé car, lorsqu'elle se présente en public, quelqu'un a généralement pris soin de l'habiller. Qu'elle soit ornée d'innocentes broderies, le crime est bénin, pourvu qu'à force d'exagérations elle ne soit pas rendue méconnaissable. Mais qui n'a jamais exagéré ? On exagère pour corser l'intérêt d'une histoire ; on exagère aussi par vanité, pour se donner le beau rôle : c'est déjà moins bien, et ce ne l'est plus du tout si l'on arrange la vérité dans le but de flatter les goûts ou les penchants d'un interlocuteur. Flatter quelqu'un, c'est fatalement le tromper.
Peut-être seriez-vous plus indulgents envers ceux que la timidité pousse à voiler leurs erreurs ou leurs torts. Il arrive, à coup sûr, qu'on puisse, sans mentir, ne pas dire toute la vérité, mais, le plus souvent, les réticences et les prétéritions aboutissent à la fausser. Faut-il donc se condamner ouvertement ? C'est quelquefois un devoir qui comporte, en contrepartie, le droit de plaider les circonstances atténuantes. Mais on gagne toujours à parler de soi avec sévérité : lorsqu'on s'accuse, les autres vous trouvent des excuses. Et vice versa.
Enfin, le silence peut, lui aussi, témoigner contre la la vérité. Par exemple, on est interrogé et, pour donner une réponse satisfaisante, il faudrait entrer dans toutes sortes de commentaires. Alors, par paresse ou par lassitude, on simplifie, on schématise, et de la vérité, il ne reste plus grand-chose.
Or, des travers que nous venons de passer en revue, celui-ci me parait le plus dangereux, parce qu'il porte atteinte à la confiance qu'on se doit en famille. Si vous décidez que ces activités n'intéressent pas les autres ou qu'ils n'ont rien à y voir (excepté, bien entendu, le cas d'un secret dont on est dépositaire), vous créez à l'intérieur du foyer des zones fermées où l'individualisme ronge peu à peu les liens de la communauté familiale.
S'il semblait plus simple de ne pas tout dire, bientôt ce sera plus simple de ne rien dire, et l'on finira par vivre sous le même toit, étrangers les uns aux autres. L'heure n'est peut-être plus éloignée où ce silence favorisera la dissimulation de sentiments et d'actions qui ne sont plus complètement innocents. Insensiblement on a franchi le pas, on est entré dans le mensonge.
Nous dirons la prochaine fois que la charité apporte aussi des limites à la sincérité. Mais si vous êtes autorisés à taire certaines choses à ceux que vous aimez, précisément parce que vous les aimez, le même principe veut qu'habituellement vous leur ouvriez largement le sanctuaire de vos pensées et de votre conscience, que tous vous mettiez en commun vos expériences, vos réflexions, vos désirs, que vous ayez confiance les uns dans les autres. Qu'un chrétien affirme ou qu'il nie, nul ne doit pouvoir contester sa parole : c'est oui, s'il dit oui, et s'il dit non, c'est non. | |
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