L’Affaire Madoff, les secrets de l’arnaque du siècle, d’Amir Weitmann, Plon, 245 pages, 18 euros.
Le 11-09-2001 de MadoffUn homme de sang froid rassure les investisseurs. Et Madoff en est un, lui qui, impassible, prévoit l’évolution des marchés en regardant s’écrouler les Twin Towers. Extraits (p. 56-62). « Je travaille pour un family office. Mon patron, un richissime homme d’affaires mexicain, a vendu son affaire de textile il y a sept ans pour plusieurs centaines de millions de dollars et, avec son fils Enrico, je dirige ses investissements financiers.
Nous sommes investis chez HUG Capital à hauteur de 5 millions de dollars, une position importante. Bien que satisfait des résultats, je commence à le cuisiner sur les raisons de la réussite du fonds qu’il vend et, le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne suis pas convaincu. Alberto [mon broker] me répète ce qu’il m’a déjà expliqué plusieurs fois, à savoir que l’argent est investi à 100% avec un certain Bernie Madoff, auquel il est impossible d’accéder.
Madoff finit par accepter de me rencontrer le mois suivant dans ses bureaux du Lipstick Building à New York. Très précisément le mardi 11 septembre 2001 à 8 h 30 du matin.
Le 11 septembre au matin, nous nous levons de bonne heure pour ne pas arriver en retard au rendez-vous avec ce fameux Bernie Madoff, le gérant invisible qui refuse de rencontrer ses clients. Nous sommes encore au stade des discussions de politesse, le small talk, quand nous entendons soudainement un grand bruit dans les bureaux d’à côté. Il est 8 h 48. Quelqu’un se précipite dans notre salle de conférences en hurlant :
- Un avion vient de percuter le World Trade Center. Nous courons dans le bureau voisin pour regarder la télévision, allumée sur CNN. La présentatrice semble complètement paniquée…
- Ce n’est pas un accident, énonce Bernie, impassible et sans émotion apparente. C’est une attaque terroriste. Le marché va maintenant être fermé quelques jours et rouvrira en forte baisse…
Je suis stupéfait de ce que je viens d’entendre. Mais de quoi parle-t-il ? Et comment peut-il penser au marché dans un moment pareil ? Des gens sont morts, d’autres sont blessés ou sont en danger, et c’est tout ce à quoi il pense ? Je suis encore perdu dans mes pensées quand on entend un autre cri. Il est 9 h 3.
- Un autre avion a percuté la deuxième tour ! Bernie tranche d’un ton sec et sans émotion :
- C’est un attentat, je vous l’ai dit. L’Amérique est la cible de terroristes. C’est sûrement Al-Qaïda et Ben Laden, ces terroristes qui ont déjà essayé de faire sauter le World Trade Center en 1993. Cette fois-ci, ils ont réussi.
Il est 9 h 30, je le regarde et je lui dis que, vu les circonstances, nous allons partir. Je propose que nous nous rencontrions une autre fois.
- Pas du tout, répond Bernie. Vous avez déjà beaucoup attendu. Venez dans mon bureau, nous serons plus tranquilles pour parler.
Je suis complètement estomaqué par le calme presque inhumain de Bernie devant les événements, et je commence à comprendre la raison de ses performances. Si quelqu’un est à ce point capable de comprendre immédiatement ce qui se passe, alors que tout le monde pensait après le premier avion qu’il s’agissait d’un accident, il peut anticiper le marché. Il est vraiment plus intelligent que les autres.
Mon opinion est faite :
il n’est pas question de retirer un seul centime du fonds de Madoff.(
)»
Amir Weitmann, analyste financier
israélien.
Publié par le site du magazine Challenges, le 7 mai 2009