http://truerestoration.blogspot.com/2009/07/interview-with-fr-florian-abrahamowicz.htmlLors d’une récente visite à Paris, j’ai eu l’idée de profiter de la présence de l’abbé Abrahamowicz dans la même ville, en me servant de mon collègue John Daly comme interprète. Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de l’interview, traduite de l’original français par les soins de M. Daly.
Outre son rôle d’écrivain catholique traditionnel, son métier de traducteur et ses devoirs de père de huit enfants tous recevant leur instruction à domicile, John Daly est président de
Tradibooks, une maison d’édition qui réédite les vieux livres catholiques.
Stephen Heiner
Stephen Heiner : Monsieur l’abbé, aux États-Unis nous ne sommes pas célèbres pour suivre les actualités mondiales, d’où certains peuvent ne pas être au courant de votre expulsion de la FSSPX. Si vous le permettez, donc, commençons au début : comment êtes-vous venu à la messe traditionnelle et, puis, à votre vocation ?
RÉPONSE 1. Je suis venu à la messe traditionnelle en 1978 à Vienne en Autriche. Lorsque j'y ai assisté pour la première fois, j’étais fortement impressionné par la différence entre elle et la nouvelle messe – au point même de penser dans un premier temps que l’ancienne messe ne pouvait pas être un culte de la religion catholique. Ensuite, ma joie était grande de découvrir ce trésor, cette eau, qui nous était cachée par la messe judaïsée. Depuis l’année 1976 j’ai commencé à connaître la Fraternité Saint Pie X. Dix ans plus tard, après trois années passées à l’Institut Universitaire de la Fraternité à Paris je suis entré au séminaire de Flavigny et j’étais ordonné par Mgr Licinio Rangel en 1992 à Écône.
2. Depuis combien de temps êtes-vous prêtre ? Pendant combien de temps avez-vous été supérieur ? Quels sont les autres rôles que vous avez occupés dans la Fraternité ?
RÉPONSE 2. Je suis prêtre depuis 1992. J’étais responsable de l’apostolat en Albanie et de la formation des jeunes albanais dans notre pré-séminaire en Autriche ; j’ai enseigné pendant trois années dans notre séminaire de Zaitzkofen ; je suis responsable depuis onze ans de l’apostolat dans le nord-est de l’Italie, mais je n’ai jamais été supérieur.
3. À quel moment ont commencé vos désaccords avec Menzingen ? Y avait-il d’autres prêtres d’accord avec vous ? Qu’ont-ils conseillé ?
RÉPONSE 3. Les premiers désaccords avec Menzingen ont commencé en 2001, lorsqu’il s’agissait de l’éventualité d’un accord avec la Rome moderniste. A l’époque je n’étais pas seul du tout. Le prieur de Rimini, don Ugo Carandino et don Davide Pagliarani étaient farouchement contre un arrangement avec la Rome du concile. Puis il y avait d’autres prêtres, directeurs de séminaire, professeurs et prieurs qui s’opposaient de façon très explicite, et efficace. Le devoir de conscience nous poussait à déclarer ouvertement aux supérieurs que nous ne pourrions pas suivre, dans le cas où on finirait par cohabiter avec l’église moderniste, à l’époque gouvernée par Jean-Paul II.
4. De quelle sorte de désaccord s’agissait-il ?
RÉPONSE 4. Il s’agissait d’un désaccord théologique qui en même temps était un désaccord qui entraînait des conséquences pastorales. La Rome moderniste ne représente pas l’Église catholique. Nous n’avons pas à demander d’être acceptés, reconnus, compris, entendus, etc. Nous avons le devoir d’exiger la pleine catholicité de la part de qui occupe le siège apostolique. Ce ne serait qu’une illusion puérile de jouer aux infiltrés dans la Rome moderniste, pour “après” la convertir du “dedans”. Ou l’Église est catholique ou elle n’est pas. Et elle ne peut pas être dans une autre église. L’Église n’est quand même pas un parti ou un courant politique qui peut être plus ou moins présent dans d’autres réalités.
5. Lorsque vous avez pris la parole en public au sujet de la controverse autour du “holocauste”, lequel de vos propos a suscité le plus de problèmes ? Et pourquoi ?
RÉPONSE 5. Les confrères étaient d’accord avec tout ce que j’ai dit dans mon interview à la
Tribuna de Trévise. Mais personne n’imaginait l’effet médiatique que cela aurait eu. C’est donc le fait même d’attaquer les Poldèves publiquement qui a fait trembler et en suite ébranler l’amitié des confrères et des supérieurs. Toucher le nouveau Messie, c’est-à-dire critiquer la politique sioniste, c’est le crime de lèse-majesté par excellence. Or le Vatican se plie à cette majesté. Donc la Fraternité qui est entrée en amitié avec le Vatican de Ratzinger devait sacrifier aux dieux : après que le Vatican, par la bouche de son porte-parole Lombardi, a pris ses distances avec l’abbé Abrahamowicz, la Fraternité a fait mieux ; elle a expulsé son membre à vie en déclarant que les propos de l’expulsé portent grave atteinte à l’image de la Fraternité au service de l’Église. Quelle église ?
6. Quant à Mgr Williamson, que pensez-vous de ce qui lui est arrivé ?
RÉPONSE 6. Monseigneur Williamson n’a pas été expulsé, il a été destitué de sa charge, et son commentaire sur les aspects techniques des chambres à gaz étaient jugés avec les termes les plus péjoratifs de la part de ses confrères dans le sacerdoce et dans l’épiscopat. Il est réduit au silence par son supérieur, Monseigneur Fellay. Pour ne pas dire qu’il est interdit de toucher au nouveau Messie, on a rangé l’affaire parmi les “questions historiques” qui ne sont pas de compétence d’un évêque. Et qui pour cela ne doit plus exercer son ministère ?
7. Certains ne se privent pas de dire que vous êtes désobéissant et fauteur de troubles. Comment leur répondez-vous ?
RÉPONSE 7. Je réponds en disant que tout ce que j’ai fait je l’ai fait avec l’accord de mes supérieurs. La désobéissance, – due et sainte – a commencé quand je suis resté dans ma chapelle, après avoir été expulsé “pour des raisons disciplinaires graves”. Sans résistance physique je suis tout de même resté dans ma chapelle et j’ai continué à dire la messe pour un mois jusqu’au jour où j’étais délogé par la violence de la part de mon supérieur. Oui, j’ai désobéi à l’ordre de mentir publiquement. J’aurais dû désavouer publiquement les vérités confessées le jour avant. Le trouble est venu non pas de moi mais en raison de la façon dont le supérieur général a réagi à la campagne médiatique contre Williamson et moi-même. Au lieu de protéger et défendre ses membres, il les a désavoués. Quelle victoire pour le Vatican – qui, tout en étant pleinement au courant de l’interview de Monseigneur Williamson, feignait et feint de ne rien savoir au sujet des opinions révisionnistes de Monseigneur Williamson.
8. Mgr Williamson m’a confié son désaccord total avec vous au sujet du Motu Proprio. S’il vous plaît d’expliquer ce désaccord.
RÉPONSE 8. Monseigneur Williamson n’était pas d’accord avec mon jugement sur le Motu Proprio. Comme Monseigneur Fellay, il refuse de donner un jugement définitif sur cette institution. A mon avis la messe du Motu Proprio n’est pas la Sainte Messe catholique. Matériellement les gestes et les paroles sont les mêmes, mais formellement le rite s’insère dans une hiérarchie moderniste et apostate, ce qui rend illicite la participation à ce culte, comme il est défendu de participer aux rites hérétiques et schismatiques. L’article 1 du MP précise bien que l’autorité impose que le rite exprime publiquement la foi de la nouvelle messe. Et ceci se fait indépendamment de qui célèbre le rite. Précisément parce que c’est un rite, une fonction aux gestes et à la signification des gestes et des paroles établis par le législateur. Nous sommes donc en présence d’un vieux rite avec une nouvelle foi, un rite bâtard comme celui de la nouvelle messe. Monseigneur Williamson suit Monseigneur Fellay dans le refus de donner un jugement sur la messe du MP. Mais dans les faits c’était le Te Deum.
9. Qu’avez-vous l’intention de faire maintenant ?
RÉPONSE 9. Maintenant je reste à la disposition des fidèles qui ne veulent pas abandonner le combat de la tradition et qui pour ce faire veulent rester fideles aux dispositions ultimes de Monseigneur Lefebvre : on ne discute pas avec la Rome moderniste. C’est une illusion puérile de croire pouvoir convertir Rome du “dedans” en entrant dans le système de l’église conciliaire. Il faut simplement continuer à se sanctifier. C’est ce que je veux faire dans ce petit espace que j’ai loué et auquel je donne le nom de Domus Marcel Lefebvre (Via Pietro Nenni, 6, 31038 PAESE (TV) Italie). Sainte Messe tous les dimanches, catéchisme, cours de formations, etc. Et puis, outre aux dons des fidèles, j’essaye de travailler dans les traductions et l’interprétariat.
10. À votre avis, que deviendra la FSSPX ? Ses prêtres ? Ses fidèles ?
RÉPONSE 10. Je ne connais pas le futur, mais le présent est devant nos yeux. La Fraternité a chante le Te Deum pour le MP, a remercié pour le faux retrait des excommunications n’ayant jamais existé, a exprimé sa confiance en Ratzinger qui aujourd’hui est encore plus “serpent” que du temps où Monseigneur Lefebvre l’appelait ainsi ; tout cela amène la Fraternité dans la situation absurde de la Fraternité Saint Pierre, du Barroux, etc. ; certes, de jure cette trahison n’est pas faite. Le papier n’est pas signé. De facto malheureusement la trahison est faite. Une preuve : ce que j’ai appris au séminaire et que j’ai même enseigné au séminaire et prêché pendant onze ans ici en Italie a été qualifié par mon supérieur dans le communiqué de presse qui m’expulsait comme contraire à la position de la Fraternité. Je veux rester fidèle aux enseignements reçus au séminaire, dont je suis sûr qu’ils soient la doctrine catholique.
11. Mgr Tissier de Mallerais a récemment écrit “j’admets très bien qu’un prêtre, que des fidèles, aient des doutes sur la validité d’un pape tel que Jean-Paul II ou Benoît XVI...” Or, admettez-vous que l’on ait ces doutes ? Partagez-vous ces doutes ? Vos convictions personnelles sont-elles proches de celles qui ne reconnaissent pas en Benoît XVI un pape légitime ? Que pensez-vous de la position dite sédévacantiste ?
Lorsqu’on m’accuse ou qu’on essaye de me démoniser comme sédévacantiste je réponds que je me refuse de m’appeler sédévacantiste, non pas parce que je suis “papiste” dans le sens de ceux qui tout en admettant que BXVI n’est pas catholique affirment qu’il est pape. Je tiens à proposer la réflexion suivante et je laisse le lecteur conclure. Quand Mgr Lefebvre affirme en conclusion et en fin de vie, donc après un long mûrissement de son attitude envers la Rome qu’il cherchait jusqu’aux sacres, “l’église officielle ne représente pas l’Église catholique,... c’est une illusion puérile de vouloir en faire partie pour la convertir du dedans” il me semble que le problème qu’il pose va bien au delà de la simple “sedes vacans”.
Le siège vacant dans le sens d’un pape qui par son hérésie cesse d’être pape, était contemplé par les théologiens dans le cadre d’une église normalement catholique. Or aujourd’hui le problème - mystérieux et apocalyptique - est différent. Avec le “pape” c’est l’orbis catholicus qui ne professe plus la foi catholique, le corps des évêques qui ne sont plus catholiques, les fidèles, même ceux dans la plus bonne foi qui ne sont plus catholiques : voulons-nous comprendre que le problème aujourd’hui est donc plus grand de celui d’un pape hérétique ? Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles Mgr Lefebvre écartait la solution sedevacantiste comme “trop simple” : la question est bien plus complexe. Puis il y a le fait que Josef Ratzinger, Pape ou non pape, catholique ou non, siège au Vatican, l’occupe, l’usurpe, tout ce que l’ont veut, mais il est là, et cela va bien à la grande masse des soi-disant catholiques.
Comment leur faire comprendre qu’il n’est pas catholique ? Comment leur faire comprendre qu’eux ne sont plus catholiques ? Voila peut-être la raison pour laquelle Mgr Lefebvre, devant un si grand problème a voulu en toute simplicité se contenter de construire : écoles, familles et prêtres catholiques ; dénoncer ouvertement l’apostasie en tiare et en chape et laisser à l’histoire le jugement défini sur ces “papes” dont il doutait qu’ils soient papes et qui aujourd’hui semblent vraiment donner tous les signes de ne l’être plus. La Fraternité, aujourd’hui, a-t-elle encore la crédibilité pour affirmer de telles vérités ? La diplomatie et la politique au “dé-service” du combat de la tradition n’ont ils pas affadi le sel ? Dieu dans sa toute-puissance peut faire susciter d’autres hérauts de la foi. Peut-être quelque évêque qui rêve depuis longtemps de se convertir du schisme et de l’hérésie orientale à la catholicité ? Quelque précurseur de la Russie convertie ? Il est très important de s’incliner devant le grand mystère de la situation actuelle sans vouloir rationaliser le mystère de l’apostasie générale. Donc, plus que le siège, c’est en quelque sorte l’Église qui est vacante, tout en restant visible dans son humanité et sa divinité là où la foi est professée sans compromission de fait avec la Rome moderniste.