Lettre XXII, Moyens de garder la chasteté
Compléter avec l'Introduction à la vie dévote de St François de Sales.
Lettre XXII
MOYENS DE GARDER LA CHASTETE
Monsieur le Curé,
Il me reste encore à vous parler des moyens que m'a indiqués
Notre-Seigneur Jésus-Christ pour observer et garder précieusement la
chasteté.
Voici comment il m'a parlé : "Ma fille, il y a deux
sortes de chasteté, la chasteté du corps et celle de l'esprit. Celui
qui n'est pas chaste dans son corps ne peut l'être dans son esprit, et
rarement celui qui n'est pas chaste dans son esprit demeure chaste dans son corps.
Or, il y a différence entre le corps qui est matière
et l'esprit qui n'a en lui rien de matériel. Il faut donc leur donner
deux secours ou deux moyens différents à l'aide desquels le corps et
l'esprit puissent, chacun pour soi, garder la chasteté.
Ces deux moyens sont la mortification pour le corps, la prière pour l'esprit ou pour l'âme.
Si vous prenez soin de votre corps, si vous le nourrissez avec abondance et délicatesse, si vous lui accordez tout ce qu'il vous demande, si vous lui laissez prendre ses aises, soyez persuadée que vous deviendrez aisément la proie du démon de l'impureté. Le corps ainsi traité est mou, effeminé, sans force ni vigueur ; il est incapable de soutenir une lutte, de se faire la moindre violence ; il devient l'esclave de l'incontinence, à laquelle il sacrifie aussi souvent qu'elle le demande.
Mais si vous le réduisez en servitude, si vous le traitez comme un esclave, si vous le liez par les liens de la mortification, des veilles et des jeûnes, il deviendra fort contre le démon de l'impureté. Celui-ci en
aura même horreur, il ne voudra pas d'un butin qu'il trouvera trop
méprisable, mais, en vérité, c'est qu'il n'aura pas accès près de lui.
Il trouvera tous les accès, par lesquels il pourrait s'introduire en
vous, soigneusement gardés, fermés et défendus.
Veillez donc et mortifiez votre corps ; vous serez forte et puissante contre l'impureté. Mais il ne suffit pas de le mortifier dans le sommeil et la nourriture ; il faut le mortifier dans la vue, l'ouïe, l'odorat, le
toucher, en un mot, dans tout ce qui est du corps, faisant du corps et
de tous ses membres l'objet spécial et particulier de votre
mortification de chaque jour et de chaque instant.
Enfin, ma fille, observez vos pas et vos mouvements, ne vous exposez jamais à la tentation d'impureté en fréquentant des lieux ou des personnes qui pourraient devenir pour vous une occasion de chute. Si vous faites cela, ma fille, vous serez chaste dans votre corps.
Mais cela ne sufit pas. Vous êtes composée de corps et d'âme, et ce corps et cette âme ne font qu'un. Le corps et l'âme doivent être chastes l'un et l'autre, et ne peuvent l'être séparément s'ils ne le sont tous les deux à la fois. Il faut donc que vous joignez à la mortification, qui est la sauvegarde, la prière, qui est la sauvegarde de l'âme.
Vous vous rappelez ce que je vous ai dit de la prière. La prière, c'est une élévation vers Dieu, c'est un cri vers Dieu, c'est une demande de
secours à Dieu, c'est un repos en Dieu, c'est une refuge cherché près
de Dieu. La prière, c'est une défiance de soi, c'est un acte d'amour de
Dieu. Par conséquent, tout ce qui est prière est pour l'âme assurance
de chasteté, défense de la chasteté.
Ma fille, la chasteté est
un don de Dieu. L'homme n'est point chaste par lui-même. S'il a la
chasteté, c'est parce que Dieu la lui a donnée. Il faut donc demander à
Dieu la chasteté si on ne l'a point, c'est-à-dire prier, parce que
l'homme ne peut pas plus la conserver qu'il ne peut l'acquérir par
lui-même.
La prière est la seule défense, le seul soutien de la
chasteté ; et s'il y a plusieurs sortes de prière, on peut recourir à
chacune d'elles pour la conservation comme pour l'augmentation de la
chasteté.
La meilleure des prières, celle qui a le plus
d'eficacité, ma fille, c'est la prière dictée par l'amour, c'est un cr
d'amour jeté vers moi. Ah ! ma fille, jamais une âme tentée contre
l'impureté ne m'a dit : Sauveur Jésus, je vous aime de tout mon coeur,
sans que je lui aie donné la victoire. Jamais une âme tentée contre
l'impureté ne s'est réfugiée dans les plaies de mon corps, sans que je
lui ai donné le triomphe contre la tentation. Jamais une âe n'a pénétré
dans l'ouverture de mon coeur, sans que mon coeur ait été pour elle une forteresse inexpugnable. jamais une âme n'a regardé en face ma pasion à l'heure de sa tentation, sans qu'elle l'ait vu disparaître comme un éclair ; ou bien, si la tentation a persisté, sans qu'elle ait repoussé
tous les traits jusqu'au dernier, jusqu'au plus aigu.
Jamais une âme amie de la chasteté n'a porté son oeil sur la Divinité, considéré sa justice ou sa miséricorde, la toute-puissance de son amour, sa sainteté ou sa perfection infinie, sans avoir senti croître en elle son amour pour cette admirable vertu.
Jamais une âme n'a reconnu sa misère, sa bassesse, son néant, sa faiblesse, son impuissance et dit à Dieu, au moment de la tentation : Mon Dieu, sauvez-moi, sans qu'elle ait été délivrée par Dieu.
Enfin, ma fille, jamais une âme ne s'est approchée dignement du sacrement de mon amour sans qu'elle y ait trouvé cette table merveilleuse que j'ai préparé pour mes amis, comme un rempart inexpugnable contre ceux qui les persécutent.
Communier à mon corps et à mon sang, c'est me prier et m'adresser même la prière la plus agréable, c'est me dire : Sauveur Jésus, vous êtes le pain de vie, délivrez-moi de la mort. Seigneur, vous êtes le Dieu trois fois saint, délivrez-moi du péché. Seigneur Jésus, vous vous plaisez parmi les lys de la pureté, préservez-moi de toute souillure. Seigneur Jésus, je ne suis que péché, faiblesse et impuissance, fortifiez-moi, soutenez-moi, sanctifiez-moi.
Je ne emeure point sourd à cette
prière et je permets à l'âme de puiser en mon Coeur comme à une source intarissable le vin qui fait germer les vierges.
Tels sont, ma fille, les moyens assuré par lesquels vous garderez la chasteté.
Soyez mortifiée et soyez vigilante ; priez, c'est-à-dire reconnaissez votre faiblesse, et pleine de confiance abandonnez-vous à Dieu ; vous
demeurerez chaste, vous demeurerez pure, et vainement l'esprit des
ténèbres tendra des pièges sous vos pas, jamais il en vous prendre dans ses filets."
Voilà M. le Curé, ce que je devais ajouter à ce que
je vous ai dit précédemment dans mes cahiers ou dans mes lettres sur la chasteté.
Je me recommande à vos ferventes prières, afin que
j'ai un nouveau moyen de demeurer chaste et éloignée de tout ce qui
pourait offenser Dieu.
Agréez, je vous prie, Monsieur le Curé,
l'assurance de mes sentiments respectueux, et croyez à toute ma
gratitude pour la charité immense que vous me témoignez.
Votre très humble servante,
MARIE.
Mimbaste, 6 octobre 1843.
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