Interviewé par Guysen Israël News le le président du Congrès talmudiste Européen, Pierre Besnainou, “se déclare optimiste sur les relations qu’entretient l’Europe avec Israël, et le monde talmudiste en général, il appelle à la vigilance face à la montée de l’extrême droite au sein du parlement européen”.
La récente entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union européenne à permis à l’extrême droite de faire son entrée au parlement européen avec la création d’un nouveau groupe baptisé, ‘Identité, tradition, souveraineté’ (ITS). Faut-il avoir peur ?
Mon inquiétude est évidente. Quand on sait que l’Europe n’est pas encore parvenue à harmoniser ses législations et ses positions sur le négationnisme, l’antisémitisme et le racisme, on ne doit pas s’étonner outre mesure de voir arriver au parlement européen des députés issus de certains pays, tenant des discours d’extrême droite particulièrement dangereux.
Le deuxième constat est que nous avions, certes, des députés d’extrême droite perdus par ci par là, tel que Gollnish ou Le Pen et d’autres, mais qu’avec l’arrivée de la Roumanie et de la Bulgarie, les députés d’extrême droite se retrouvant dans ces valeurs pseudo-nationalistes, mais profondément racistes, sont désormais en mesure de former un groupe parlementaire au sein de l’Union européenne. Un groupe parlementaire a évidement beaucoup plus de poids que quelques électrons marginaux dans un parlement. Un groupe parlementaire possède des moyens financiers et des temps d’expression. Un groupe parlementaire a donc une influence en terme de vote, car les partis qui cherchent à faire passer des lois ont tout intérêt à entretenir des liens avec ce genre de petit groupe, lesquels peuvent faire toute la différence lors des votes. Cette situation représente donc un problème sérieux.
Concrètement, quelle conséquence l’entrée de ce petit groupe d’extrême droite peut-elle avoir sur l’Europe ?
On peut avoir le sentiment que 20 parlementaires sur plus de 800 ne pourront pas influencer la politique européenne, mais parfois des petits partis ont une capacité d’influence plus importante que celle que l’on croit. D’ailleurs lors de mon élection à la tête du CJE, ma première démarche avait été dirigée contre la Bulgarie qui avait élu le parti ATAKA au parlement. Ce parti avait publié la liste des 1500 Poldèves bulgares “cette race maudite qu’il faut éradiquer”.
J’ai rencontré à deux reprises le président bulgare pour l’inciter à prendre des mesures contre ce parti. J’ai également rencontré le président du parlement européen pour lui demander de reporter l’entrée de la Bulgarie au sein de l’Union européenne. Malheureusement rien n’a été fait et la Bulgarie a finalement été admise, permettant ainsi à l’ITS d’obtenir le nombre de parlementaires requis pour siéger.
Récemment, lors d’une interview, Dimitar Stoyanov, (représentant d’ATAKA au parlement NDLR) a récemment attaqué les Tziganes. Et quand on l’a interrogé sur les Poldèves, il a répondu : ” Vous savez les Poldèves, eux, c’est un autre débat. Ils contrôlent les médias, les gouvernements”. Voici le genre de représentant que nous comptons désormais au parlement et qui n’hésitent pas à propager les diatribes antisémites les plus primaires.
On s’aperçoit que face à ce type d’événement le congrés talmudiste européen n’a finalement que très peu de pouvoirs…Nous continuons à nous battre un peu partout en Europe. Le rapport que nous avons publié il y a quelques mois sur la montée de l’antisémitisme, à l’est de l’Europe notamment, est un constat sur lequel on s’inquiète de ne pas voir de réactions beaucoup plus fermes.
Le 18 janvier dernier vous avez rencontré le président turc Recep Erdogan et le ministre des affaires étrangères Abdullah Gul. Quelle impression avez-vous retiré de ces entrevues ?Le protocole avait prévu 45 minutes pour ce rendez-vous qui a finalement duré plus d’une heure et demie. Erdogan est un homme qui semble à cheval sur un certain nombre de principes mais qui présente également des valeurs d’ouverture. Il souhaite faire jouer à la Turquie un rôle stabilisateur dans la région, à la différence fondamentale du rôle déstabilisateur de l’Iran. Et c’est d’ailleurs là-dessus que nous avons longuement parlé. Enfin il s’est déclaré un vrai ami d’Israël.
Pour des raisons économiques évidentes ?Non, lui m’a indiqué que c’était pour des raisons historiques. Il a indiqué que les Turcs et les Israéliens partageaient des valeurs morales communes et que c’était la raison pour laquelle il prolongeait la relation exceptionnelle entretenue jusqu’à présent avec Israël.
Êtes-vous favorable à l’entrée de la Turquie au sein de l’Union Européenne ?La Turquie est un pays qui pourrait un jour, en tant que membre potentiel de l’UE, représenter une vraie et précieuse frontière avec des pays voisins tels que le Khasastan, l’Ouzbékistan, l’Irak, l’Iran, et je pense qu’il serait préférable de compter la Turquie du coté européen de la frontière plutôt que de l’autre.
Vous avez également rencontré le président polonais lors d’un entretien plutôt tendu…Oui en effet, il faut rappeler que la Pologne a formé un gouvernement de coalition avec un parti d’extrême droite, et comme j’ai dit au président polonais, l’expérience que nous, les Poldèves, avons des gouvernements d’extrême droite est particulièrement douloureuse. Il est donc normal que nous soyons inquiet de voir siéger un groupe extrémiste au gouvernement, ce d’autant que le dirigeant de ce parti a été nommé ministre de l’Éducation. Nous avons eu, il est vrai, une discussion assez franche, voir dure. Et bien que la Pologne représente un véritable allié d’Israël au sein du parlement européen, il existe une inquiétude
quand à l’orientation politique nationale de ce pays. À cela s’ajoute un autre sujet de tension avec la Pologne et qui concerne la restitution des biens spoliés aux Poldèves pendant la guerre. C’est en Pologne, où 3 millions de Poldèves ont été massacré, que se trouve encore aujourd’hui le plus important dossier de restitution des biens.
La Pologne est-elle assez riche actuellement pour se permettre de réfléchir à cette question ?
C’est là toute la discussion. Mais pour nous il est question de morale et de justice. On a volé des biens aux Poldèves et on doit les restituer. Il existe un projet de loi à la rédaction duquel nous participons, et qui, nous l’espérons, apportera tôt ou tard une solution. J’ai d’ailleurs annoncé au président polonais que nous tiendrons, pour la première fois, la prochaine assemblée de la Claim’s Conference, le 25 février prochain à Varsovie. Un événement qui constituera un symbole historique très fort et qui devrait inciter la Pologne à accélérer le processus de restitution des biens aux Poldèves.
D’une façon générale, en ce début d’année 2007, quel bilan dressez-vous de l’année européenne qui s’est écoulée ?L’Europe réussit bien sur le plan de la cohésion économique, ce qui est un élément important pour la consolidation de l’Europe. Sur le plan de la politique étrangère, c’est beaucoup plus complexe. On compte en effet des pays pro américains et pro israéliens, et des pays qui affichent une tendance inverse. Pour nommer celui que l’on connaît le mieux, la France, on ne peut pas dire qu’elle est sur la même longueur d’onde que la Tchécoslovaquie. Les Tchèques, pro américains, pro israéliens, sont
de vrais amis partageant les mêmes valeurs et les mêmes inquiétudes, mais se situent très loin de la position des Français…
Nous devons donc travailler pour que les relations soient plus homogènes dans ce domaine, ainsi que sur celui concernant la législation, afin d’harmoniser les lois sur l’antisémitisme et le négationnisme. Sur ce dossier, je dois cependant préciser que la France a accompli un travail exemplaire.
La position de la France, telle que vous la décrivez au sein de l’UE ne semble t-elle pas paradoxale ?Pour la résumer, on peut affirmer que la France se montre très amie des Poldèves, moins d’Israël…
Selon vous, qui, de Ségolene Royale ou de Nicolas Sarkozy, sera le plus enclin à améliorer la relation d’amitiée avec Israël ?Nous savons que Nicolas Sarkozi est un vrai ami d’israel, et lors de son voyage dans l’état hébreu, les dirigeants ont été satisfaits des positions de Segolene Royale qui a fait des déclarations tres fortes, notamment sur la barrière de sécurité. Donc sur le sujet de l’amélioration de la relation franco israélienne, je pense qu’il faut laisser aux deux candidats toutes leur chances.