La France est la nation la plus anciennement catholique du monde. A ce privilège incomparable, elle doit son nom de fille aînée de l'Eglise. Afin de l'aider à porter dignement ce nom glorieux, Dieu l'a entourée d'une protection spéciale, principe de sa longévité. Avec une libéralité paternelle, il lui a départi les dons les plus rares.
Nul peuple n'a reçu, au même degré, l'élévation des sentiments, la franchise du caractère, la vivacité de l'esprit, l'activité de propagande, la puissance de sympathie qui attire à la France, malgré ses défauts et même ses fautes, l'affection du monde entier; la générosité du cœur, qui la trouve toujours prête à donner son or et son sang pour les nobles causes.
Noblesse oblige, et la France l'a compris. La première à doter magnifiquement l'Eglise romaine, sa mère; la première aux croisades du moyen âge, pour arrêter l'invasion de la barbarie musulmane et délivrer le sépulcre du Dieu rédempteur; la première aux croisades modernes, pour arracher les nations idolâtres à la tyrannie du démon, elle a vérifié cette parole consacrée par l'histoire : Les autres peuples ont fait de grandes choses pour eux, la France en a fait pour tous.
C'est ainsi que la France, bras droit de Dieu, de l'Eglise et de la civilisation chrétienne, Gesta Dei per Francos, a grandi, pendant de longs siècles, glorieuse, aimée et respectée au milieu de ses soeurs. En baptisant son premier roi, saint Remi avait prédit à la France ces glorieuses destinées, tant qu'elle resterait ce que doit être la fille aînée d'une famille, l'exemple de ses sœurs et l'aide de sa mère.
Pour son malheur et pour le malheur du monde, la France, comme les autres nations de l'Europe, s'est laissée sophistiquer. Au lieu du pur froment de la vérité catholique, une éducation anormale est venue la nourrir d'un mélange corrompu et corrupteur, de quelques restes de vérités et de beaucoup de mensonges. Son tempérament moral s'est affaibli et peu à peu dénaturé. Le mal commence à l'époque, de funeste mémoire, où l'esprit de l'ancien paganisme envahit l'Europe. C'est une justice à lui rendre, la France lutta longtemps et avec vigueur contre les poisons que lui apportaient l'Allemagne et l'Italie.
Enfin elle but à la coupe fatale. Enivrée et affolée, elle ne tarde pas à montrer par sa conduite que la pire corruption est celle de ce qu'il y a de meilleur : corruptio optimi pessima, Autant elle avait été respectueuse et tendre pour sa mère, la sainte Eglise romaine, autant elle devient impertinente et raide. Souvent elle désobéit, ou elle n'obéit plus que de mauvaise grâce, et le moins qu'elle peut, jusqu'à ce qu'elle se révolte ouvertement.
Faussant sur ce point capital sa mission providentielle, bientôt elle marche complètement à la dérive. La même activité qu'elle avait mise à propager le bien, elle la met à propager le mal. Nulle nation ne publie autant de livres immoraux et impies, et, parce qu'ils sont français, ces livres deviennent la pâture empoisonnée de l'Europe entière. De son sein sort la ligue infernale des encyclopédistes et des philosophes du dernier siècle, dont Voltaire fut le coryphée et dont le mot d'ordre était : Ecrasons l'infâme !
Traduisant en actes ses funestes doctrines, pendant dix ans, elle se livre, avec une fureur qui épouvante le monde, à toutes les saturnales de la débauche et de l'impiété. Jésus-Christ, son Dieu, le Pape, son père, l'Eglise, sa mère, ses temples, ses palais, monuments de son génie, ses propres enfants, leur fortune, leur honneur, leur vie, rien n'est sacré pour elle. Seule entre toutes les nations, elle inscrit l'athéisme dans ses lois, et, pendant vingt-cinq ans, ses armées le promènent, à la lueur des villes qu'elles brûlent et au bruit des trônes qu'elles renversent, dans toutes les parties de l'Europe (1).
NOTE:
(1) - Afin de montrer que nous n'exagérons rien, voici le portrait de la Révolution tracé par une main non suspecte. Le 24 décembre 1796, le fameux abbé Grégoire, jacobin prononcé, écrivait : « Aucune persécution ne présente les caractères atroces de celle que nous venons de traverser. Nous étions destinés à savoir qu'il y avait encore du nouveau dans le genre du crime. [cf. Le Génocide-Type de la Vendée] Il faudrait des siècles pour réparer les ravages exercés sur les monuments de la piété et du génie accumulés pendant des siècles. On a détruit je ne dirai pas pour des millions, mais pour des milliards.
Un calcul approximatif élève à trois cent mille les auteurs de tant de forfaits. Car chaque commune avait à peu près cinq ou six bêtes féroces, qui, sous le nom de Brutus, ont perfectionné l'art de lever les scellés, de noyer, d'égorger. Ils ont dévoré des sommes immenses, pour payer des orgies et célébrer trois fois par mois des fêtes, qui, après une première représentation étaient devenues des parodies, où figuraient deux ou trois acteurs sans spectateurs. Elles n'étaient composées à la fin que du tambour et de l'officier municipal ; encore celui-ci, tout honteux, cachait-il souvent son écharpe dans sa poche, en allant au temple de la Raison hurler des sottises décadaires et célébrer ce qu'on appelait le culte de la Raison, le culte de la Loi, le culte de la Liberté, le culte de Marat, car il a eu aussi des autels.
Mais ces trois cent mille brigands avaient pour directeurs deux ou trois cents membres de la Convention nationale, qu'il faut bien n'appeler que scélérats, puisque la langue n'offre pas d'épithète plus énergique. Je sais gré à la Convention d'avoir décrété la République, mais elle a terni cette gloire ( sic! ) par des crimes à l'aspect desquels la postérité reculera d'effroi.
C'est elle qui, pendant trois ans, révoltée contre le peuple, voulut lui arracher sa propriété la plus sacré, la religion; c'est elle qui invita les prêtres au parjure et qui démoralisa la nation; c'est elle qui vomit dans tous les départements cette horde de proconsuls, près desquels Néron, Sardanapale et Cartouche eussent été des hommes à canoniser. A la fin du dix-huitième siècle on a fait en grand l'expérience, que des prétendus philosophes, les athées, sont les êtres les plus intolérants et les persécuteurs les plus barbares. »
Et aujourd'hui, il y a des hommes qui se glorifient d'être les fils des révolutionnaires de 93, et qui voudraient ramener le règne de la Convention !
Extrait d' Où en sommes-nous?, chapitre XIV, de Mgr J.J.Gaume.