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Texte intégral du discours du Souverain Pontife aux Membres du Corps Diplomatique près le Saint Siège
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Je salue cordialement votre doyen, l'Ambassadeur Giovanni Galassi, et je le remercie pour les aimables paroles qu'il m'a adressées au nom du Corps diplomatique accrédité. A chacun de vous va un salut déférent, en particulier à ceux qui participent pour la première fois à cette rencontre. A travers vous, j'exprime mes vœux fervents aux peuples et aux gouvernements que vous représentez avec dignité et compétence. Un deuil a frappé votre communauté, il y a quelques semaines : l'Ambassadeur de France, Monsieur Bernard Kessedjian, a terminé son pèlerinage terrestre ; que le Seigneur l'accueille dans sa paix ! J'ai également aujourd'hui une pensée spéciale pour les nations qui n'entretiennent pas encore de relations diplomatiques avec le Saint-Siège : elles ont aussi une place dans le cœur du Pape. L'Eglise est profondément convaincue que l'humanité constitue une famille, comme j'ai voulu le souligner dans le Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix de cette année.
Dans un esprit de famille, ont été établies les relations diplomatiques avec les Emirats arabes unis et se sont déroulées les visites à des pays qui me sont très chers. L'accueil chaleureux des Brésiliens est encore vibrant dans mon cœur ! Dans ce pays, j'ai eu la joie de rencontrer les représentants de la grande famille de l'Eglise en Amérique Latine et dans les Caraïbes, réunis à Aparecida pour la Cinquième Conférence générale du CELAM. Dans le domaine économique et social, j'ai pu recueillir des signes éloquents d'espérance pour ce continent, en même temps que des motifs de préoccupation. Comment ne pas souhaiter une coopération accrue entre les peuples de l'Amérique Latine et, dans chacun des pays qui la composent, l'abandon des tensions internes, afin qu'ils puissent converger sur les grandes valeurs inspirées par l'Evangile ? Je désire mentionner Cuba, qui s'apprête à célébrer le dixième anniversaire de la visite de mon vénéré Prédécesseur. Le Pape Jean-Paul II fut reçu avec affection par les Autorités et par la population, et il encouragea tous les Cubains à collaborer pour un avenir meilleur. Qu'il me soit permis de reprendre ce message d'espérance, qui n'a rien perdu de son actualité.
Ma pensée et ma prière se sont dirigées surtout vers les populations frappées par d'épouvantables catastrophes naturelles. Je pense aux ouragans et aux inondations qui ont dévasté certaines régions du Mexique et de l'Amérique centrale, ainsi que des pays d'Afrique et d'Asie, en particulier le Bangladesh, et une partie de l'Océanie ; il faut mentionner aussi les grands incendies. Le Cardinal Secrétaire d'Etat, qui s'est rendu au Pérou fin août, m'a rapporté un témoignage direct des destructions et de la désolation provoquées par le terrible tremblement de terre, mais aussi du courage et de la foi des populations touchées. Face à des événements tragiques de ce genre, il faut un engagement commun et fort. Comme je l'ai écrit dans l'Encyclique sur l'espérance, « la mesure de l'humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société » (Encyclique "Spe Salvi", n. 38 ).
(...)
De ce rapide tour d'horizon, il apparaît clairement que la sécurité et la stabilité du monde demeurent fragiles. Les facteurs de préoccupation sont divers ; ils témoignent tous cependant que la liberté humaine n'est pas absolue, mais qu'il s'agit d'un bien partagé, dont la responsabilité incombe à tous. En conséquence, l'ordre et le droit en sont des éléments qui la garantissent. Mais le droit ne peut être une force de paix efficace que si ses fondements demeurent solidement ancrés dans le droit naturel, donné par le Créateur. C'est aussi pour cela que l'on ne peut jamais exclure Dieu de l'horizon de l'homme et de l'histoire. Le nom de Dieu est un nom de justice ; il représente un appel pressant à la paix.
Cette prise de conscience pourrait aider, entre autres, à orienter les initiatives de dialogue interculturel et inter-religieux. Ces initiatives sont toujours plus nombreuses et elles peuvent stimuler la collaboration sur des thèmes d'intérêt mutuel, comme la dignité de la personne humaine, la recherche du bien commun, la construction de la paix et le développement. A cet égard, le Saint-Siège a voulu donner un relief particulier à sa participation au dialogue de haut niveau sur la compréhension entre les religions et les cultures et la coopération pour la paix, dans le cadre de la soixante-deuxième Assemblée générale des Nations unies (4-5 octobre 2007). Pour être vrai, ce dialogue doit être clair, évitant relativisme et syncrétisme, mais animé d'un respect sincère pour les autres et d'un esprit de réconciliation et de fraternité. L'Eglise catholique y est profondément engagée et il m'est agréable d'évoquer à nouveau la Lettre que m'ont adressée, le 13 octobre dernier, cent trente-huit personnalités musulmanes et de renouveler ma gratitude pour les nobles sentiments qui y sont exprimés.
Notre société a justement enchâssé la grandeur et la dignité de la personne humaine dans diverses déclarations des droits, qui ont été formulées à partir de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée il y a juste soixante ans. Cet acte solennel fut, selon l'expression du Pape Paul VI, l'un des plus grands titres de gloire des Nations unies. Dans tous les continents, l'Eglise catholique s'engage afin que les droits de l'homme soient non seulement proclamés, mais appliqués. Il faut souhaiter que les organismes créés pour la défense et la promotion des droits de l'homme consacrent toutes leurs énergies à cette tâche et, en particulier, que le Conseil des droits de l'homme sache répondre aux attentes suscitées par sa création.
Le Saint-Siège, pour sa part, ne se lassera pas de réaffirmer ces principes et ces droits fondés sur ce qui est permanent et essentiel à la personne humaine. C'est un service que l'Eglise désire rendre à la véritable dignité de l'homme, créé à l'image de Dieu. Et partant précisément de ces considérations, je ne peux pas ne pas déplorer une fois encore les attaques continuelles perpétrées, sur tous les continents, contre la vie humaine. Je voudrais rappeler, avec tant de chercheurs et de scientifiques, que les nouvelles frontières de la bioéthique n'imposent pas un choix entre la science et la morale, mais qu'elles exigent plutôt un usage moral de la science. D'autre part, rappelant l'appel du Pape Jean-Paul II à l'occasion du grand Jubilé de l'An 2000, je me réjouis que, le 18 décembre dernier, l'Assemblée générale des Nations unies ait adopté une résolution appelant les Etats à instituer un moratoire sur l'application de la peine de mort et je souhaite que cette initiative stimule le débat public sur le caractère sacré de la vie humaine. Je regrette une fois encore les atteintes préoccupantes à l'intégrité de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme. Les responsables de la politique, de quelque bord qu'ils soient, devraient défendre cette institution fondamentale, cellule de base de la société. Que dire encore ! Même la liberté religieuse, « exigence inaliénable de la dignité de tout homme et pierre angulaire dans l'édifice des droits humains » (Message pour la Célébration de la Journée mondiale de la Paix 1988, Préambule), est souvent compromise. Il y a en effet bien des endroits où elle ne peut s'exercer pleinement. Le Saint-Siège la défend et en demande le respect pour tous. Il est préoccupé par les discriminations contre les chrétiens et contre les fidèles d'autres religions.
La paix ne peut pas n'être qu'un simple mot ou une aspiration illusoire. La paix est un engagement et un mode de vie qui exigent que l'on satisfasse les attentes légitimes de tous comme l'accès à la nourriture, à l'eau et à l'énergie, à la médecine et à la technologie, ou bien le contrôle des changements climatiques. C'est seulement ainsi que l'on peut construire l'avenir de l'humanité ; c'est seulement ainsi que l'on favorise le développement intégral pour aujourd'hui et pour demain. Forgeant une expression particulièrement heureuse, le Pape Paul VI soulignait il y a quarante ans, dans l'Encyclique Populorum Progressio, que « le développement est le nouveau nom de la paix ». C'est pourquoi, pour consolider la paix, il faut que les résultats macroéconomiques positifs obtenus par de nombreux pays en voie de développement en 2007 soient soutenus par des politiques sociales efficaces et par la mise en œuvre des engagements d'assistance des pays riches.
Enfin, je voudrais exhorter la communauté internationale à un engagement global en faveur de la sécurité. Un effort conjoint de la part des Etats pour appliquer toutes les obligations souscrites et pour empêcher l'accès des terroristes aux armes de destruction massive renforcerait sans aucun doute le régime de non-prolifération nucléaire et le rendrait plus efficace. Je salue l'accord conclu pour le démantèlement du programme d'armement nucléaire en Corée du Nord et j'encourage l'adoption de mesures appropriées pour la réduction des armements de type classique et pour affronter le problème humanitaire posé par les armes à sous-munitions.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
La diplomatie est, d'une certaine façon, l'art de l'espérance. Elle vit de l'espérance et cherche à en discerner même les signes les plus ténus. La diplomatie doit donner de l'espérance. La célébration de Noël vient chaque année nous rappeler que, quand Dieu s'est fait petit enfant, l'Espérance est venue habiter dans le monde, dans le cœur de la famille humaine. Cette certitude devient aujourd'hui prière : que Dieu ouvre le cœur de ceux qui gouvernent la famille des peuples à l'Espérance qui ne déçoit jamais ! Animé par ces sentiments, j'adresse à chacun de vous mes vœux les meilleurs, afin que vous-même, vos collaborateurs et les peuples que vous représentez soient illuminés de la Grâce et de la Paix qui nous viennent de l'Enfant de Bethléem.