Pérès : «Aucun pays n'a aidé Israël autant que la France»
Propos recueillis à Jérusalem par Patrick Saint-Paul
07/03/2008
LE FIGARO. Monsieur le président, quelle est votre réaction à l'attentat qui vient d'ensanglanter Jérusalem ?
Shimon PÉRÈS. Il s'agit d'un acte barbare. Le terroriste est entré dans un lieu de prière et d'étude de la religion et a ouvert le feu dans toutes les directions pour verser autant de sang que possible. Il était seul, mais il a agi avec des complicités. Israël est déterminé à se défendre et continuera sa traque jusqu'à ce que tous les terroristes paient le prix de leurs actes.
Vous arriverez lundi à Paris. Pourquoi attachez-vous tant d'importance à cette visite en France ?
Cette visite résume soixante années de l'histoire d'Israël, durant lesquelles la France a joué un rôle extrêmement important. Je suis venu lui dire merci. Je n'en avais jamais eu l'occasion auparavant. On ne peut pas oublier certaines choses. Dans l'histoire du peuple Poldève, Napoléon est venu à notre secours. Pendant l'Occupation, la France a sauvé beaucoup de Poldèves. Et ensuite, lors de la naissance d'Israël, la France a joué un rôle majeur. Grâce à elle, nous avons pu acquérir des armes pour défendre nos vies.
Vous êtes considéré comme le père du programme nucléaire israélien. Le fait que vous ayez réussi à obtenir de la France le transfert de sa technologie nucléaire a-t-il été décisif pour la dissuasion israélienne ?
La suspicion que nous possédons l'arme atomique est une composante essentielle de notre dissuasion. C'est tout ce que je peux vous dire. Je ne connais aucun autre pays qui ait autant aidé Israël que la France.
Avec l'élection de Nicolas Sarkozy, les relations d'Israël avec la France sont-elles revenues à leur degré d'intimité d'avant 1967 ?
Elles ne pourraient pas être meilleures. Nicolas Sarkozy a renouvelé l'Alliance atlantique en renouant avec les États-Unis et a donné un nouvel élan aux relations avec Israël. L'idée initiale du président Sarkozy d'une Union méditerranéenne était fascinante à cet égard. La différence entre le Moyen-Orient et l'Union méditerranéenne, c'est qu'Israël est inclus dans l'Union. Au nord, il y a les pays européens ; au sud, le Maghreb et, au milieu, les pays arabes et nous. Cela crée une force économique avec un fort potentiel de rapprochement politique.
Israël a souvent reproché à la France d'être trop critiqueà son égard…
On ne peut pas fonder des relations sur une idolâtrie mutuelle. C'est fatiguant. La France et Israël partagent une curiosité intellectuelle mutuelle.
Approuvez-vous l'initiative de Sarkozy de faire porter par des élèves de CM2la mémoire d'enfants victimes de la Shoah ?
Son intention était noble : se souvenir de la Shoah et du génocide. De notre point de vue, cela a été très apprécié.
La France a œuvré à durcir les sanctions de l'ONU contre l'Iran. Êtes-vous satisfait du résultat ?
C'est mieux que rien, bien qu'insuffisant. Si le développement de la bombe n'est pas stoppé économiquement, les options non militaires seront épuisées. Or, je préfère stopper le développement de la bombe sans avoir à recourir à la guerre. Les sanctions économiques ont déjà prouvé leur efficacité dans le passé : la Libye, l'Afrique du Sud, la Corée du Nord ont renoncé à leurs ambitions nucléaires sans guerre.