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 l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie

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luernos
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MessageSujet: l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie   l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie EmptyMer 6 Aoû - 23:53

Raison et foi (I)

par le frère Pierre-Marie O.P.





Ce texte a paru dans la revue Le sel de la terre, n° 3. (Couvent de La Haye-aux-Bonshommes, 49 240 AVRILLE)







Les questions posées par les rapports entre la raison et la foi forment un des problèmes les plus importants et les plus anciens du christianisme. Il a commencé à se poser avec les erreurs des gnostiques qui, dès l’âge apostolique, cherchèrent à soumettre la foi à la raison. Au Moyen-Age, ce problème constituait un de ceux que les théologiens abordaient le plus volontiers. Il a été excellemment résolu par saint Thomas d’Aquin.

Aujourd’hui cette question revêt une importance particulière pour deux raisons :

— tout d’abord parce que le modernisme en a donné une fausse solution, solution qui est enseignée aujourd’hui dans l’église conciliaire et par beaucoup de savants agnostiques. Pour le modernisme, comme nous allons le voir plus en détail dans cet exposé, le problème se résout simplement : la raison et la foi, la science et la religion sont étrangers les uns aux autres. « Ce sont deux domaines bien séparés et qui doivent le rester[1]. »

— ensuite parce que les rapports entre la raison et la foi sont les rapports entre la nature et la grâce. Par conséquent, selon la solution qu’on adoptera pour ce problème, on sera amené à donner des solutions analogues pour d’autres problèmes où la nature et le surnaturel se trouvent en présence. Ainsi pour les rapports entre l’Église et l’État : le moderniste qui réclame la séparation de la raison et de la foi, réclamera aussi la (fausse) liberté religieuse et la séparation de l’Église et de l’État. Or l’on sait combien cette question de la liberté religieuse est au centre de la crise actuelle dans l’Église : il importe, pour pouvoir bien la résoudre, d’avoir une vue exacte des rapports entre la raison et la foi.

Avant d’examiner précisément le sujet de notre étude, rappelons la doctrine de l’Église sur la foi. Nous suivrons en cela la même démarche que les Pères du premier concile du Vatican qui, dans la constitution “Dei Filius”, traitent d’abord de la foi dans le chapitre 3 avant d’examiner les rapports de la raison avec la foi dans le chapitre 4. Nous nous inspirerons largement de l’enseignement de cette constitution dans cette étude, et nous recommandons à nos lecteurs de se reporter à ce texte dont la lecture ne pose pas de difficulté[2].



1. La foi

1.1. La doctrine catholique

Après avoir exposé comment il a plu à Dieu de se révéler à l’homme, le concile Vatican I déclare que nous sommes tenus de présenter par la foi, à Dieu qui se révèle ainsi, la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté.

Cette foi est une vertu surnaturelle par laquelle nous croyons vraies les choses que Dieu a révélées, non pas à cause de leur vérité intrinsèque perçue par la raison, mais à cause de l’autorité de Dieu qui révèle et qui ne saurait ni se tromper, ni nous tromper. Notre raison créée étant complètement subordonnée à la Vérité incréée doit se soumettre à celle-ci quand elle se révèle à nous.

Pour pouvoir poser un acte de foi, l’homme doit être aidé par la grâce : les vérités à croire sont surnaturelles et, par conséquent, l’homme ne peut parvenir à les atteindre et à y croire seulement par sa raison et sa volonté qui sont des puissances naturelles : « Personne ne peut adhérer à l’enseignement de l’Évangile, comme il le faut pour arriver au salut, sans une illumination et une inspiration de l’Esprit-Saint, qui donne à tous la suavité de l’adhésion et de la croyance à la vérité[3]. C’est pourquoi la foi en elle-même est un don de Dieu[4]. »

A l’inverse, la grâce ne fait pas tout et ne supprime pas le travail de la nature : la raison et la volonté doivent collaborer à la grâce pour que l’acte de foi soit posé.

— La raison tout d’abord : « Afin que l’hommage de notre foi fût d’accord avec la raison, aux secours intérieurs du Saint-Esprit, Dieu a voulu joindre des preuves extérieures de sa révélation, savoir des faits divins et surtout des miracles et des prophéties, qui, en montrant abondamment la toute-puissance et la science infinie de Dieu, font reconnaître la révélation divine, dont ils sont des signes très certains et appropriés à l’intelligence de tous[5]. »

« On ne croirait pas si on ne voyait pas qu’il faut croire », explique saint Thomas (II II, q. 1, a. 4, ad 2). La raison humaine est capable de connaître les préambules de la foi et les motifs de crédibilité qui rendent l’acte de foi prudent en prouvant de manière très certaine le fait de la révélation. Une fois reconnu le fait de la révélation, il reste à admettre le contenu de la révélation : la raison peut mener au seuil de la foi (je vois que je dois croire), mais la grâce est nécessaire pour franchir le pas (je crois).

On appelle préambules de la foi un certain nombre de vérités philosophiques qui sont logiquement antérieures à la foi : par exemple l’existence de Dieu, l’existence de l’âme humaine spirituelle et immortelle, la capacité pour l’homme d’atteindre des certitudes par l’usage de sa raison, l’existence de la liberté... En fait il arrive fréquemment qu’on possède la foi avant de connaître les préambules de la foi, ne serait-ce que parce qu’on a reçu le baptême dans son enfance : dans ce cas il convient quand même de les étudier, dans la mesure de ses possibilités, pour ne pas être ébranlé par des arguments qui pourraient être donnés contre la foi ou pour pouvoir aider des personnes qui n’ont pas la foi.

On appelle motifs de crédibilité les preuves que la science apologétique donne du fait de la révélation, et principalement, comme le dit le concile, les miracles et les prophéties. Les miracles que fit Jésus et les prophéties qui ont été données dans l’ancien Testament sont des preuves très certaines que Jésus était envoyé de Dieu pour donner aux hommes la plénitude de la révélation.

— La volonté ensuite : par la foi, dit encore le concile Vatican I, « l’homme se soumet librement à Dieu lui-même, en consentant et en coopérant à sa grâce à laquelle il pourrait résister[6]. »

L’acte de foi est un acte libre où la volonté doit intervenir. Même si Dieu aide de sa grâce, même si la raison dit qu’il faut croire, l’homme reste libre de croire ou de ne pas croire. Nous parlons d’une liberté physique et non pas d’une liberté morale, car il est évident que l’homme a le devoir de croire : « Celui qui ne croira pas sera condamné » a dit Notre Seigneur[7].

Le droit canonique[8] dit avec raison que l’on ne doit exercer aucune contrainte sur les personnes pour les forcer à croire contre leur gré : en effet il est absurde de vouloir forcer quelqu’un à poser un acte libre (par exemple de vouloir forcer quelqu’un à vous aimer), et c’est même le plus sûr moyen d’indisposer cette personne[9].



1.2. La doctrine moderniste

Le modernisme est une maladie de l’intelligence qui provient de l’influence des (fausses) philosophies modernes[10] : « C’est d’une alliance de la fausse philosophie avec la foi qu’est né, pétris d’erreurs, leur système[11]. »

Or l’erreur principale des philosophies modernes consiste dans une fausse théorie de la connaissance : au lieu de se tourner vers la réalité extérieure pour connaître les “choses-en-soi”, le philosophe moderne se tourne vers la conscience pour étudier les phénomènes qu’il y observe. Cette philosophie prendra modestement le nom de philosophie “transcendantale” avec Kant, de phénoménologie avec Husserl, d’existentialisme avec Heidegger, de philosophie analytique avec d’autres... ; peu importe, dans tous les cas on se désintéresse de la chose qui existe avec son acte d’être propre. Kant déclare que le noumène est inconnaissable, Husserl opère la réduction phénoménologique qui le coupe du réel, l’existentialiste ne s’intéresse qu’à l’existence vécue — c’est-à-dire au sujet et non pas à l’objet tel qu’il peut exister en soi —, le philosophe analytique étudie le langage — c’est-à-dire encore la pensée.

Ainsi l’intelligence du philosophe moderne (et de son disciple le moderniste) est malade : elle est atteinte d’une sorte de myopie qui la rend incapable de connaître les réalités extérieures ; elle ne voit pas plus loin que le bout de son nez, ou pour mieux dire elle ne dépasse pas les limites de la conscience.

(on ne connait que la connaissance de l'objet: exemple b16 connait la connaissance croyante , ou foi, en Dieu, il ne connait pas Dieu de la Révélation, il professe la connaissance théologique de la connaissance par la foi, qui porte sur "Dieu", alors qu' un catholique connait , certes de manière analogique, mais il connait directement Dieu révélé de l'extérieur, tandis que pour b16, qui part de sa conscience, enseigne la connaissance intellectuelel qu'il a de la foi, de la connaissance croyante des premiers chrétiens, des chrétiens d'avant v2, et des chrétiens post v2, la phénomonologie n'autorise qu'une connaissance relative à la connaissance elle même relative des objets de toute sorte, on nage donc dans un relativisme qui n'est pas seulement sentimental, comme le répète le frère P-M à la suite de Saint Pie X, mais dans un relativisme fondamental de la conscience qui n'adhère à des pratiques, des principes, que façonnés par sa propre conscience dans laquelel il est enfermé, sans cesse depuis v2 les encycliques partent de la conscience de l'homme, et aboutissent à la foi, en Dieu, et n'aboutissent pas à Dieu. peut on alors parler de même religion ? oui si on sépare la théorie de la pratique, mais cette séparation prouve qu'on est dans une autre religion, donc le frère P.Marie est un antimoderniste inconséquent, qui ne tire pas les conclusions logiques en reconnaissant un pape et des sacrements qui sont des illusions phénoménologiques.)

Nous avons vu précédemment que l’acte de foi suppose trois éléments : la grâce surnaturelle et les actes de la raison et de la volonté. Mais la maladie intellectuelle du moderniste va détruire le fondement rationnel de l’acte de foi : les préambules de la foi vont devenir incertains et les motifs de crédibilité seront profondément modifiés.

Parmi les préambules de la foi, le principal est sans doute l’affirmation de l’existence de Dieu : si Dieu n’existe pas, il n’y a plus de place pour la foi... Eh bien pour le moderniste, imbibé de philosophie agnostique, on ne saurait démontrer l’existence de Dieu. Cela n’est pas surprenant puisque la démonstration de l’existence de Dieu prend son point de départ, nous dit saint Paul[12], dans « les choses qui ont été faites », c’est-à-dire, précise saint Pie X[13], dans « les œuvres visibles de la création ». Mais, nous venons de le dire, la philosophie moderne méprise ces “choses” et ces “œuvres visibles” pour se tourner vers l’homme et l’univers de sa conscience. A partir de là, impossible de savoir avec certitude si Dieu existe...

Aussi ne sommes-nous pas étonnés de voir que saint Pie X avait sagement mis au début de son serment anti-moderniste : « Et d’abord, je professe que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu et donc aussi démontré d’une manière certaine par la raison, par le moyen des choses qui ont été faites, c’est-à-dire par les œuvres visibles de la création, comme la cause par son effet. »

Après avoir rendu incertains les préambules de la foi, le moderniste modifie profondément les motifs de crédibilité. Selon la doctrine catholique que nous avons rappelée précédemment, les principaux motifs de crédibilité sont les miracles et les prophéties. Mais ce sont des réalités extérieures à la conscience... Le moderniste ne saurait en être satisfait : pour lui les seuls motifs de crédibilité sérieux seront fournis par l’expérience intérieure personnelle ; c’est ce qu’on appellera la méthode d’immanence.

Tout homme éprouve dans sa subconscience, nous affirme le moderniste, un besoin du divin. Ce besoin s’exprime, dans des circonstances favorables, par un sentiment religieux. Et ce « sentiment religieux aveugle qui émerge des ténèbres du subconscient sous la pression du cœur[14] », c’est la foi.

Quant aux miracles, le moderniste n’y voit pas un « signe très certain de l’origine divine du christianisme très bien accommodé à l’intelligence de tous les hommes et en particulier de ceux de notre époque[15] » ; ces miracles ne sont un signe que pour les croyants qui peuvent y reconnaître un geste de la bienveillance de Dieu. « Le prodige ne peut être perçu comme miracle qu’à l’intérieur de la foi[16]. » « Parce que le phénomène est extraordinaire, moi croyant, je lis une intervention particulière de Dieu (...) Ce qui est certain c’est que l’incroyant peut, sinon expliquer, du moins justifier l’effet “guérison” constaté sans faire appel à Dieu. Pour cela il peut faire appel aux ressources psychiques inconnues de la personne, capables d’accélérer un processus biologique[17]. » « Les guérisons ne sont pas d’abord des prodiges, mais des signes[18] » Pour celui qui n’a pas la foi, les miracles ne sont guère qu’une “interpellation” et non pas une preuve : autant dire qu’ils ne sont plus un signe de crédibilité.




Doctrine catholique
Doctrine moderniste

Ordre sur-naturel :

la foi
« Un véritable assentiment de l’intelligence à la vérité reçue du dehors, de la prédication[19] », à cause de l’autorité de Dieu, qui est la Vérité même. “Rationabile obsequium[20] ”, un hommage de la raison.
« Un sentiment religieux aveugle qui émerge des ténèbres du subconscient sous la pression du cœur[21] », à cause du besoin religieux. Vie, rencontre, don du cœur.

Ordre naturel :

la raison
Peut connaître les préambules de la foi et les motifs de crédibilité qui prouvent de manière très certaine le fait de la révélation et rendent l’acte de foi prudent ; pour adhérer au contenu de la révélation, il faut l’aide de la grâce et un acte libre de la volonté.
Ne peut démontrer l’existence de Dieu ; les miracles sont des signes pour les croyants ; les hommes ne peuvent être poussés à la “foi” que par leur expérience intérieure personnelle ; l’assentiment de la foi repose sur un amoncellement de pro-babilités.
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luernos
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MessageSujet: Re: l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie   l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie EmptyJeu 7 Aoû - 0:13

Ce tableau résume ce que nous avons dit et prépare l’examen plus détaillé des rapports entre la raison et la foi.

Il y a donc deux grandes différences entre le modernisme et la doctrine catholique sur l’acte de foi :

— Pour le moderniste, la foi n’a plus de fondement rationnel certain : « L’assentiment de la foi repose en dernière analyse sur un amoncellement de probabilités[22]. » De ce point de vue on peut dire que le modernisme est un fidéisme (cf plus loin). Il utilisera, pour parler de la foi, d’expressions comme : “vie”, “rencontre personnelle”, “engagement”, “don du cœur”. Il oubliera, ou niera, que la foi est « un véritable assentiment de l’intelligence », précédé par des préambules de la foi et des motifs de crédibilité qui s’adressent aussi à l’intelligence et montrent que l’on doit croire.

Pourquoi supprimer ainsi l’aspect intellectuel de la foi ? Sans doute pour esquiver l’aspect contraignant de la foi : notre intelligence est capable de connaître notre devoir de croire. C’est là une contrainte — morale certes, mais c’est encore une contrainte — et donc cela s’oppose à la sacro-sainte liberté des enfants de ce monde. « Cette lecture prouve que Dieu respecte la liberté de l’homme. On constate une guérison opérée de façon inhabituelle, on peut croire à une intervention de Dieu, mais on peut aussi ne pas y croire. En d’autres termes, dans une guérison Dieu nous fait signe, mais nous demeurons libres d’accueillir ou de refuser ce signe. Dieu se propose, il ne s’impose pas[23]. »

— La deuxième grande différence entre le système moderniste et la vérité catholique concerne la distinction de la nature et de la grâce : pour le moderniste, la foi est un sentiment religieux issu du subconscient ; c’est même, à la limite, une exigence de ce subconscient. Par conséquent il n’y a plus de frontière nette entre la nature et le surnaturel : « Ils paraissent admettre dans la nature humaine, au regard de l’ordre surnaturel, non pas seulement une capacité et une convenance — choses que, de tout temps, les apologistes catholiques ont eu soin de mettre en relief — mais une vraie et rigoureuse exigence[24]. »

Cette confusion de la nature et de la grâce, du sentiment religieux et de la foi, va conduire le moderniste à admettre que tous les hommes qui ont un sentiment religieux ont la foi. Comme le sentiment religieux est quelque chose de naturel, il se trouve plus ou moins dans toutes les religions : toutes les religions seront donc plus ou moins vraies. La religion qui vous convient est celle qui vous permet le mieux d’exprimer votre sentiment religieux. « Tout au plus, dans cette mêlée des religions, ce qu’ils pourraient revendiquer en faveur de la religion catholique, c’est qu’elle est plus vraie, parce qu’elle est plus vivante[25]. »

Le moderniste ira même jusqu’à admettre que vous exprimiez votre sentiment religieux avec les formes de la Tradition catholique (peu vivantes, certes, mais il faut bien admettre par charité quelques attardés !), à la condition que vous ne critiquiez pas les autres façons d’exprimer la “foi”. Vous pourrez célébrer la messe traditionnelle à condition de reconnaître la légitimité et la rectitude doctrinale de la “messe de Paul VI”.

2. La foi et la raison

Ayant rappelé succinctement la doctrine catholique sur la foi, nous allons pouvoir maintenant étudier plus en détail les rapports entre la raison et la foi en commentant le chapitre quatrième de la constitution Dei Filius du premier concile du Vatican. Le schéma en avait été préparé par Mgr Martin, évêque de Paderborn, et le rapporteur en fut le cardinal Pie. Il fut adopté par le concile le 12 avril 1870.

Ce chapitre se divise en cinq paragraphes qui vont fournir le plan de notre étude.

2.1. La distinction des deux ordres de connaissance

« L’Église catholique s’est toujours accordée à admettre et elle tient qu’il y a deux ordres de connaissance distincts, non seulement par leur principe, mais encore par leur objet ; par leur principe, parce que nous connaissons dans l’un au moyen de la raison naturelle, dans l’autre au moyen de la foi divine ; par leur objet, parce que, outre les vérités auxquelles la raison naturelle peut atteindre, l’Église propose à notre foi des mystères cachés en Dieu qui ne peuvent être connus que par la révélation divine[26]. » Le concile appuie cette affirmation de l’existence de véritables mystères (que notre raison naturelle ne saurait atteindre par ses propres forces) sur deux textes de l’Écriture : « Nous prêchons la sagesse de Dieu renfermée dans son mystère, cette sagesse cachée que Dieu a prédestinée avant tous les siècles pour notre gloire, qu’aucun des princes de ce siècle n’a connue. Mais pour nous, Dieu l’a révélée par son Esprit[27] » ; « Et le Fils unique lui-même rend gloire à son Père de ce qu’il a caché ces choses aux sages et aux prudents et les a révélées aux petits[28]. »

Dans ce paragraphe le concile affirme donc clairement la distinction des deux ordres de connaissance méconnue tant par les fidéistes que par les rationalistes.

— Les fidéistes sont ceux qui nient à la raison la capacité d’atteindre à de véritables certitudes — notamment sur l’existence de Dieu, la spiritualité et l’immortalité de l’âme, la liberté, la création, le fait de la révélation — sans le secours de la révélation. Les principaux représentants de cette école sont les protestants (Calvin, Kierkegard), Félicité de Lamennais, de Bonald, Bautain, Bonnetty etc... Plusieurs d’entre eux ont été condamnés par l’Église[29]. [ET DEPUIS v2 ?]

Certains de ces fidéistes ont été appelés “traditionalistes” parce qu’ils disaient que la raison a besoin de la tradition pour atteindre de véritables certitudes : il ne faut pas les confondre avec ceux qu’on appelle aujourd’hui traditionalistes parce qu’ils défendent la Tradition face aux réformateurs modernistes.

— Les rationalistes, à l’inverse, n’admettront comme connaissance légitime que les connaissances prouvées par la raison. Spinoza en est le premier grand représentant, suivi par les “philosophes” du 18ème siècle et un grand nombre de nos contemporains. Pour eux les mystères de la foi sont absurdes puisque la raison ne peut les démontrer. Ils appliquent aux catholiques cette phrase apocryphe[30] de Tertullien : « Credo quia absurdum » (je crois parce que c’est absurde).

La vérité catholique se trouve comme un sommet entre ces deux erreurs : d’une part (contre les fidéistes) la raison humaine est capable de connaître avec certitude les préambules de la foi et les motifs de crédibilité, d’autre part (contre les rationalistes) il existe de véritables mystères qui sont au-dessus de la raison, mais non pas contre elle. L’intelligence humaine peut montrer que ces mystères ne s’opposent pas à la raison et, aidée par la lumière surnaturelle de la foi, elle peut reconnaître qu’ils sont vrais : toutefois elle n’en aura une claire intelligence qu’au ciel. Ainsi nous pouvons voir que le mystère de la Trinité n’offense pas la raison (ce qui est un — l’essence divine — n’est pas ce qui est trois — les personnes divines), nous pouvons admettre la vérité de ce mystère par la grâce de la foi, mais nous ne connaîtrons ce qu’est la Trinité qu’au ciel.

L’erreur moderniste est comme un milieu qui participe des erreurs des deux systèmes opposés. Saint Pie X a eu bien raison d’appeler le modernisme « le carrefour de toutes les hérésies[31] ».

Avec le fidéiste, le moderniste diminue le pouvoir de la raison, incapable, d’après lui, de dépasser la sphère des phénomènes et en particulier de démontrer l’existence de Dieu ou de prouver avec certitude le fait de la révélation. La foi du moderniste est sentimentale et coupée de la raison. [Non, depuis, elle est aussi rationnelle de la rationalité des philosophies modernes, la religion naturelle morale et raisonnable exemple b16]

Avec le rationaliste, le moderniste diminue autant qu’il le peut le domaine du surnaturel. Il soumet tout à une critique décapante, si bien qu’il ne reste plus grand chose du contenu de la foi. Par exemple dans les Évangiles, le moderniste éliminera tout ce qui paraît trop “extraordinaire” : il faut enlever tout ce qui, selon lui, a été transfiguré et défiguré par la foi des chrétiens.

Finalement le moderniste, si tant est qu’il lui reste encore un peu de foi, se retrouve avec une foi sentimentale et réduite à la portion congrue.[pas seulement]

2.2. La raison au service de la foi

Même si la raison et la foi constituent deux domaines de connaissance bien distincts, il n’en reste pas moins que la raison peut travailler au service de la foi avec une grande utilité pour le chrétien. Voici ce qu’en dit le concile :

« Lorsque la raison éclairée par la foi cherche avec soin, piété et modération, elle acquiert, il est vrai, par le don de Dieu, quelque intelligence très fructueuse des mystères, tant par l’analogie des choses qu’elle connaît naturellement, que par la liaison des mystères entre eux et avec la fin surnaturelle de l’homme[32]. »

L’Église sait reconnaître l’utilité de la raison : elle ne la méprise pas. Au contraire elle nous encourage à nous servir de notre raison même pour l’étude des mystères de la foi. Et elle nous prévient que nous en retirerons beaucoup de fruits. Voilà un précieux encouragement à lire et étudier Le sel de la terre qui se propose précisément d’aider les fidèles à réfléchir sainement sur les mystères de notre foi...

Mais l’Église nous indique les conditions que nous devons respecter si nous voulons que notre étude des mystères soit vraiment fructueuse. Il faut la faire :

Avec soin (sedulo). Il ne faut pas se contenter d’une lecture superficielle. Rappelons-nous la phrase du poète : « Labor vincit omnia improbus[33] ». Il faut se donner un peu de peine, prendre des ouvrages doctrinaux capables de nourrir la réflexion. Il en existe à la portée de tous les fidèles : ce sont les bons catéchismes.

Mais un grand nombre de fidèles peuvent et doivent étudier plus que le simple catéchisme. Là aussi il existe de bons livres de vulgarisation de la doctrine catholique et nous nous efforcerons de les faire connaître dans Le sel de la terre.

Enfin lorsque cette étude acquiert la rigueur et la solidité d’une science, elle prend le nom de théologie. Même à ce niveau, l’étude des mystères de notre foi n’est pas réservée aux prêtres. De nombreux laïcs auraient un grand avantage à connaître les bases de la théologie. Cela leur permettrait d’approfondir leur vie intérieure, et aussi d’acquérir un jugement de sagesse (voir les événements « comme Dieu les voit », « sub specie aeternitatis[34] »).

Avec piété. La piété est un mélange de respect et d’amour. Les mystères de notre foi ont pour origine et pour principal sujet Dieu qui est Charité. Notre étude sera réellement fructueuse si elle est faite par amour et pour aimer.

Dieu est aussi le Trois fois Saint. Notre étude doit donc être respectueuse, notamment envers le magistère et les pères de l’Église. Rappelons-nous ce beau jugement de Cajetan au sujet de saint Thomas, cité par Léon XIII (Aeterni Patris[35]) et Pie XI (Studiorum Ducem[36]) : « Il semble avoir eu de quelque façon en partage l'intelligence de tous les anciens docteurs parce qu'il les a souverainement vénérés ». L’inintelligence de nos “théologiens” modernes vient en grande partie de leur impiété à l’égard de l’Église et des anciens docteurs.

Avec modération (sobrie). La raison ne peut prétendre tout expliquer. Il faut aussi savoir se taire devant le mystère et adorer. Une intelligence qui ne saurait pas se modérer tomberait dans le semi-rationalisme qui fut défendu au siècle dernier par Gunther et Fröschammer : une fois révélée l’existence des mystères surnaturels, on pourrait en saisir la nature intime par la raison[37].

Le concile condamne explicitement cette doctrine : « Jamais elle (la raison) n’est capable de les pénétrer (les mystères) comme les vérités qui constituent son objet propre. En effet, par leur nature, les divins mystères dépassent tellement l’entendement créé, qu’après avoir été communiqués par la foi, ils restent néanmoins couverts du voile de la foi elle-même et enveloppés comme d’une sorte de nuage, tant que nous restons éloignés de Dieu par cette vie mortelle ; « car nous marchons dans le chemin de la foi et non dans celui de la vision”(2Cor 5/7)[38]. »
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luernos
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MessageSujet: Re: l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie   l'anti-modernisme théorique du frère Pierre-Marie EmptyJeu 7 Aoû - 0:36

D’où vient que la raison puisse être d’une si grande utilité pour donner une certaine intelligence très fructueuse des mystères ? Cela vient, nous dit le texte du concile que nous avons rapporté plus haut, de trois causes :

L’analogie qui existe entre les créatures naturelles et les réalités surnaturelles. Ainsi par exemple Notre-Seigneur se servit de la comparaison avec l’eau pour donner à la Samaritaine quelque intelligence du mystère de la grâce.

La principale analogie entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel est celle qui existe entre l’amour créé et l’Amour de Dieu, la bonté créée et la Bonté de Dieu. Nous savons, pour l’avoir remarqué dans la nature, que le « bien est diffusif de soi » (bonum est diffusivum sui), c’est-à-dire qu’il cherche à se répandre, à se communiquer. Par exemple un bon livre se diffusera facilement, un homme bon aura facilité à communiquer avec autrui, etc... Appliquant cet axiome de façon analogique à la Bonté de Dieu, saint Thomas d’Aquin en tire un principe explicatif de la Sainte Trinité (Dieu se “diffuse” à l’intérieur de lui-même), de la création (Dieu se diffuse hors de lui-même), de l’Incarnation (Dieu se communique de façon éminente à sa créature) et de la passion (Dieu donne même sa propre vie pour nous).

— Le lien des mystères entre eux. On le remarque facilement de façon négative : on ne peut pas nier un mystère sans dommage pour les autres. C’est l’histoire de beaucoup d’hérésies qui commencent par contester un point du dogme et finissent par rejeter l’ensemble du Credo.

En réalité c’est la Sainte Trinité qui est le dogme central du christianisme. Non pas que les autres mystères se déduisent de celui-ci comme en mathématiques les conclusions se déduisent des axiomes, mais parce que la connaissance de ce mystère aide à “comprendre” les autres. D’ailleurs ne venons-nous pas de dire que l’analogie entre l’amour créé et l’Amour incréé était la principale clef des mystères surnaturels ? Or précisément la Sainte Trinité est le mystère de la Charité divine. Une fois que nous avons quelque intelligence de ce mystère, tous les autres s’éclairent.
— Le lien des mystères avec la fin dernière de l’homme. Toute la vie morale de l’homme s’éclaire par la connaissance de sa fin dernière. Ainsi saint Thomas d’Aquin commence-t-il la deuxième partie de la Somme théologique consacrée à l’agir humain par l’étude de la fin dernière. Une fois établi que cette fin dernière est la béatitude qui consiste dans la vision de Dieu, on peut avoir une certaine intelligence de toutes ces réalités mystérieuses que Dieu nous propose pour nous y conduire : la grâce, la loi (notamment la “loi nouvelle”), les vertus, les dons du Saint-Esprit, les “états de vie” (comme la vie religieuse).

Nous avons donc vu jusqu’ici que la foi et la raison constituent deux ordres de connaissance distincts et que la raison peut rendre de grands services à la foi en se mettant à son service. Il nous restera dans un prochain article à commenter la suite de la constitution Dei Filius et nous verrons que la foi et la raison ne sauraient jamais s’opposer l’une à l’autre, tandis que de leur aide mutuelle naissent de grands bienfaits.

conclusion:
Anti-modernisme théorique, et légalisme ultra-moderniste pratique, au mépris des principes thomistes des quatre causes ! et par application des philosophies modernes séparant la "forme" du "fond", de la raison pure et de la raison pratique, de la réalité et du phénomène, etc.
Ce qui est admissible dans le maurrassisme ou dans sa dégradation lepéniste, est-il admissible, dans le domaine de l'Eglise et de la Vérité ?
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