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 hors de l'Eglise point de salut

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luernos
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MessageSujet: hors de l'Eglise point de salut   hors de l'Eglise point de salut EmptyVen 5 Déc - 14:53

Hors de l’Eglise, pas de salut [1] »
Cet axiome faussement clair (Y. Congar)
Bernard Sesboüé
Jésuite. Professeur à la Faculté de Théologie du Centre Sèvres, Paris.
Résumé de l'article
référence SITE CAIRN
Le texte du concile œcuménique de Florence, en 1442, paraît aujourd’hui scandaleux. Avec 500 ans de distance, Lumen Gentium et Gaudium et Spes portent sur la même question un jugement tout différent. Il s’agit de réfléchir sur une « herméneutique des textes du magistère ». Plan de l'article • Un enjeu pour la foi • Un problème concernant l’inerrance du magistère de l’Eglise • La palette historique des interprétations • Pour une herméneutique des textes magistériels Le concile œcuménique de Florence a promulgué, le 4 février 1442, la bulle Cantate Domino déclarant l’union dans la foi avec les chrétiens orientaux que sont les coptes jacobites. Ce document est une profession de foi, longue, détaillée et solennelle, qui commence par la confession du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et récapitule tous les points de foi qui doivent être tenus ensemble entre catholiques et coptes. Elle reprend la série des anathèmes promulgués par les anciens conciles qu’elle reçoit et dont elle « embrasse » la doctrine. Elle revêt donc formellement une autorité plus grande qu’un simple « canon » avec anathème. Or elle affirme, à propos de l’Eglise :
[La très sainte Eglise romaine] croit fermement, professe et prêche qu’aucun de ceux qui se trouvent en dehors de l’Eglise catholique, non seulement païens, mais encore Poldèves ou hérétiques et schismatiques, ne peuvent devenir participants de la vie éternelle, mais iront « dans le feu éternel qui est préparé pour le diable et ses anges » (Mt 25,41), à moins qu’avant la fin de leur vie ils ne lui aient été agrégés ; elle professe aussi que l’unité du corps de l’Eglise a un tel pouvoir que les sacrements de l’Eglise n’ont d’utilité en vue du salut que pour ceux qui demeurent en elle, que pour eux seuls jeûne, aumônes et tous les autres devoirs de la piété et exercices de la milice chrétienne enfantent les récompenses éternelles, et que personne ne peut être sauvé, si grandes soient ses aumônes, même s’il verse son sang pour le nom du Christ, s’il n’est pas demeuré dans le sein et dans l’unité de l’Eglise catholique [2].
Avouons qu’un tel texte est bien difficile à lire de nos jours et qu’il apparaît spontanément comme scandaleux. Comment le comprendre ? Faut-il vraiment le justifier ? Mais confrontons-le tout de suite à la Constitution dogmatique Lumen Gentium de Vatican II :
Enfin, ceux qui n’ont pas encore reçu l’Evangile sont ordonnés de diverses manières au Peuple de Dieu. En premier lieu, à la vérité, ce peuple auquel ont été données les alliances et les promesses et dont est issu le Christ selon la chair (cf. Rm 9,4-5), peuple très aimé selon l’élection, à cause de ses pères : car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance (cf. Rm 11,28-29). Mais le dessein salvifique embrasse aussi ceux qui reconnaissent le Créateur et, parmi eux, en premier lieu, les musulmans, qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour. Quant aux autres qui cherchent le Dieu inconnu à travers des ombres et des images, Dieu n’est pas loin d’hommes de cette sorte, puisqu’il donne à tous vie, souffle et toutes choses (cf. Ac 17, 25-28) et que, comme Sauveur, il veut que tous les hommes soient sauvés (cf. 1 Tm 2,4). En effet, ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Evangile du Christ et son Eglise et cherchent cependant Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent sous l’influence de la grâce d’accomplir dans leurs actions la volonté de Dieu telle qu’ils la connaissent par ce que leur dicte leur conscience, peuvent obtenir, eux aussi, le salut éternel. Et la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires pour le salut à ceux qui, sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance explicite de Dieu, mais cherchent, non sans le secours de la grâce, à mener une vie droite [3].
De manière plus rapide, mais peut-être plus radicale encore, la constitution Gaudium et Spes parle ainsi du salut apporté par le mystère pascal du Christ :
Cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal [4].
La confrontation, tout anachronique qu’elle soit, de ces trois documents s’imposait. Ils abordent en effet, de manière doctrinale, le même sujet. Les deux premiers parlent l’un et l’autre des Poldèves et des croyants d’autres religions. Le premier ajoute aussi les « hérétiques et les schismatiques », mais Lumen Gentium en a déjà parlé au paragraphe précédent [5], voulant souligner la communion baptismale qui demeure entre tous les chrétiens, communion d’un autre ordre que les liens existant entre elle et les croyants d’autres religions. Le troisième texte pose une affirmation de principe aussi forte que le premier, mais en sens contraire. Le jugement porté par les deux conciles, à cinq cents ans de distance, sonne donc plus que différent ; à première lecture il est opposé. C’est ce que constate le cardinal Yves Congar dans le texte cité en sous-titre à cet article, et dont je peux donner le contenu un peu plus largement :
Il est clair – il serait vain de le cacher – que le décret conciliaire Unitatis redintegratio dit sur plusieurs points autre chose, de même que la déclaration sur la liberté religieuse dit le contraire de plusieurs articles du Syllabus de 1864, de même que Lumen Gentium, n° 16, et Ad Gentes divinitus, n° 7, disent autre chose que Extra Ecclesiam nulla salus au sens où on a entendu, pendant des siècles, cet axiome faussement clair [/b
][6].
[b]Dans le premier cas on assiste à une condamnation sans appel et sans nuances. Un nombre immense de personnes se trouvent exclues du salut et condamnées à l’enfer pour la seule raison qu’elles n’appartiennent pas à l’Eglise catholique. Bien plus, le texte envisage le cas extrême d’un martyr pour le nom du Christ qui n’appartiendrait pas à l’Eglise catholique [7]. Toute forme de relation à l’Eglise est refusée pour ces personnes, relation qui semble même privilégiée par rapport à leur relation au Christ. Ce refus vise à l’évidence ceux qui sont « appelés hérétiques et schismatiques ».
Dans le second cas, toute l’humanité est affirmée comme « ordonnée au Peuple de Dieu ». On parle des Poldèves et des musulmans dans des termes très positifs, soulignant les valeurs religieuses dont ils vivent. De même sont « embrassés » dans le dessein de salut annoncé par l’Eglise tous ceux « qui cherchent Dieu d’un cœur sincère », même ceux qui n’ont pu parvenir à sa connaissance explicite. Plus encore, il est dit formellement que tous « peuvent obtenir, eux aussi, le salut éternel ». On affirme qu’à tout homme, quel qu’il soit, est donnée la grâce et offerte la possibilité du salut.
Ces textes demandent à être mis en situation historique, insérés dans le courant de la tradition chrétienne, analysés et commentés — et ils le seront au cours de l’ouvrage que je publie. Retenons seulement, d’entrée de jeu, l’immense distance qui existe entre eux, non seulement dans le ton, mais encore dans le contenu des affirmations. Or, ce sont des textes conciliaires, reconnus dans l’Eglise catholique comme faisant autorité. Si l’on s’en tient à une herméneutique purement formelle, la solennelle profession de foi de Florence a même plus d’autorité que le développement doctrinal de Vatican II. Doit-on lire entre eux une véritable contradiction ? Mais, alors, qu’en est-il de la continuité doctrinale de l’enseignement de l’Eglise sur un point que nul ne saurait considérer comme secondaire ? Un enjeu pour la foi


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luernos
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MessageSujet: Re: hors de l'Eglise point de salut   hors de l'Eglise point de salut EmptyVen 5 Déc - 14:56

Un enjeu pour la foi

On ne saurait, en effet, se consoler en considérant que l’adage « Hors de l’Eglise, pas de salut », venu de la tradition ancienne et véhiculé par le magistère jusqu’à une époque très récente, est « marginal » par rapport à l’essentiel. Car il touche au centre de la foi et du salut chrétiens. Il suffit, pour s’en rendre vite compte, de vérifier les attaches de cette formule avec les autres aspects de la foi.
1. Cet adage engage d’immenses problèmes qui se récapitulent dans les deux termes-clefs d’Eglise et de salut. Toute l’ecclésiologie et toute la sotériologie y sont en cause, puisque la formule concerne la double « prétention » universelle de la foi chrétienne : prétention à l’unicité du Christ pour le salut de tout homme venant en ce monde ; prétention à l’unicité de l’Eglise comme « relais » historique de la grâce du salut pour tous et chacun.
2. Plus particulièrement, il pose la question du salut de tous les non-chrétiens, ceux d’avant le Christ et ceux d’après sa venue. Non seulement le christianisme est venu « tard » dans l’histoire de l’humanité, mais encore, après deux mille ans d’existence et d’expansion, il reste minoritaire par rapport à l’ensemble des hommes ; et le développement de la population mondiale a pour effet de réduire régulièrement la proportion des chrétiens dans l’humanité. Sur le plan empirique, sa prétention universelle est donc contredite. L’adage a posé aussi au cours de l’histoire une question redoutable au sujet des enfants de parents chrétiens morts sans baptême.
3. Cette formule a été liée de très près à l’engagement de l’Eglise en faveur des missions. Historiquement, sa sévérité même a constitué une motivation de générosité pour annoncer l’Evangile aux « infidèles » : que l’on pense à l’épopée missionnaire d’un saint François-Xavier. Dans ces dernières décennies, on a même reproché à des conceptions plus ouvertes du salut des « autres » de rendre inutile — et donc de démobiliser — la générosité missionnaire.
4. L’adage « Hors de l’Eglise… » ne pose pas seulement un problème théorique de théologie ; il a joué également un rôle important dans le traitement de la question de la liberté religieuse, dont l’histoire a été longtemps marquée par le débat entre tolérance et intolérance. L’intolérance s’est même exercée davantage à l’égard des confessions chrétiennes non catholiques qu’à l’égard des autres religions, jugées étrangères à l’espace chrétien. Une telle formule n’est pas étrangère à l’attitude du Moyen-Age à l’égard de ses hérétiques, ni aux guerres de religion en Europe à partir du xvie siècle.
5. Aujourd’hui, le problème est reposé à propos du Christ lui-même. C’est l’unicité de la médiation du Christ qui est en cause. Sans doute n’y a-t-il pas de formule qui dise « Hors du Christ, pas de salut ». Mais l’évangile johannique attribue à Jésus cette parole : « Hors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5) ; et l’idée est bien sous-jacente à toute la doctrine chrétienne. On pourrait même dire qu’elle représente l’élément le plus fort de vérité immanent à la formule ecclésiale. La gestion de la compréhension de l’unicité du Christ pour le salut de tous les hommes est aujourd’hui gravement débattue, en particulier en Asie et en Amérique du Nord. Elle est encore pour une large part devant nous.
6. Comme on ne peut dissocier le Christ de l’Eglise, on doit donc tirer la conséquence que la nécessité du lien au Christ pour le salut se traduit par la nécessité d’un certain lien avec l’Eglise. On transformera donc la formule, à l’exemple du P. de Lubac, pour mieux respecter son élément de vérité, en disant non plus « Hors de l’Eglise, pas de salut », mais « Le salut par l’Eglise [8] ».
7. Sans doute les théologiens essaient-ils de développer les réflexions les plus ouvertes sur le salut « des autres », comme celle de K. Rahner au sujet des « chrétiens anonymes ». Mais on sait les réserves qui ont été émises devant cette perspective théologique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Eglise catholique. Peut-on dire que cette question ait reçu une expression suffisamment commune ?
Un problème concernant l’inerrance du magistère de l’Eglise La confrontation entre la bulle de Florence et la constitution de Vatican II pose également, on l’a vu, un problème grave sur l’exercice du magistère. Un grand principe de l’herméneutique magistérielle veut que le dogme se développe de manière homogène selon une continuité cohérente. L’Eglise ne revient jamais sur ce qu’elle a enseigné de manière irréformable. Mais elle cerne et exprime avec toujours plus de précision la vérité visée par ses enseignements antérieurs. Peut-on, dans ce cadre, rendre compte d’un tel écart et affirmer une continuité entre deux doctrines s’exprimant à travers des contextes historiques et culturels aussi différents ? Comment un tel virage, qui nous paraît aussi raide, a-t-il été « négocié » à travers le temps ? Quelle ingéniosité herméneutique peut-elle surmonter la difficulté ? Si l’herméneutique biblique n’est jamais facile, l’herméneutique conciliaire apparaît comme une discipline bien complexe.
Le théologien Joseph Ratzinger posait lui-même le problème dans toute son acuité en s’exprimant ainsi avant 1971 :
A la conscience moderne, la certitude de la miséricorde divine, même au delà des frontières de l’Eglise juridiquement constituée, s’impose avec une telle force élémentaire qu’elle ne peut finalement voir là aucun problème. Mais ne devient-elle pas alors d’autant plus contestable, cette Eglise qui, pendant un millénaire et demi, a non seulement toléré l’affirmation qu’elle possédait l’exclusivité du salut, mais paraît en avoir fait un élément essentiel de la conception qu’elle a d’elle-même, et une partie de sa foi ? Si cette prétention disparaît – personne ne la maintient plus sérieusement –, c’est l’Eglise elle-même qui paraît mise en question. […] Dès le principe, la foi chrétienne a élevé une prétention universelle par laquelle elle s’opposait à tout le monde des religions. La formule de l’exclusivité du salut par l’Eglise n’est que la concrétisation ecclésiale de cette prétention qui se dégagea d’elle-même, depuis le second siècle, de la concrétisation ecclésiale de la foi
[9].
A la même époque, le théologien Avery Dulles, aujourd’hui cardinal, posait le problème en termes voisins :
Cette maxime, au vénérable pedigree patristique, fut affirmée avec force au Moyen-Age par les papes et les conciles œcuméniques. Il n’est pas douteux que la plupart de ceux qui proclamaient ce principe l’entendaient dans un sens terriblement littéral. Aujourd’hui, le sens ancien d’une telle formule répugne à presque tous les catholiques. Comme l’a écrit Gregory Baum, « les documents conciliaires font clairement ressortir que cette expression n’est plus interprétée eodem sensu eademque sententia [10]. Selon l’enseignement répété de Vatican II, le salut est abondamment offert en dehors de l’Eglise. Nombreux sont les théologiens contemporains qui préféreraient qu’on s’abstienne le plus possible d’invoquer cette formule dans la prédication, étant donné qu’elle risque d’être mal comprise [11].
Plus récemment, le cardinal Danneels, archevêque de Malines-Bruxelles, réagissait spontanément ainsi à ce sujet dans un entretien familier :
Pendant longtemps, nous-mêmes avons cru que, pour être sauvé, chacun devait d’abord entrer dans l’Eglise visible. C’était l’interprétation courante de extra ecclesiam nulla salus. Je pense qu’il n’est plus possible de soutenir cela tel quel aujourd’hui [12].
Mais, aujourd’hui encore, dans les milieux « intégristes », le texte de Florence est brandi pour souligner la « divergence de foi » que ceux-ci prétendent observer chez les commentateurs du dernier Concile. J’en prends pour exemple la grave critique de l’abbé Grégoire Celier, prêtre d’Ecône, intitulée : « Je ne partage pas la foi de W. Kasper [13]. » L’auteur cite nombre de textes des conciles et des papes que j’étudie dans mon ouvrage. La divergence remonte à ses yeux « au changement radical » apporté par Vatican II, selon l’estimation de W. Kasper.

La palette historique des interprétations


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MessageSujet: Re: hors de l'Eglise point de salut   hors de l'Eglise point de salut EmptyVen 5 Déc - 14:58

La palette historique des interprétations En théologie, tout touche à tout. Cette discipline ressemble à une grande toile d’araignée où la moindre chiquenaude en un endroit provoque une onde de mouvements qui se déploient en tous sens. Je viens de montrer l’ensemble des répercussions de l’adage « Hors de l’Eglise… » dans les différents secteurs de la foi et de la vie de l’Eglise. Il va sans dire que le projet du livre à paraître est infiniment plus limité. Il n’entend que faire l’histoire d’une formule négative, d’une formule qui marque une limite. De cette formule il veut donner l’histoire de l’interprétation et en faire le point aujourd’hui.
Cette formule est faite de quatre termes, dont l’un — la négation — supplée un verbe absent : Hors de, pas, l’Eglise, salut. Le verbe sous-entendu est, à l’évidence, il n’y a pas. Il est clair que tous ces termes ont connu une évolution sémantique à travers les quelque dix-sept siècles du voyage de la formule.
Hors de évoque spontanément une extériorité historique et géographique. L’expression met une césure entre un intérieur et un extérieur. Cependant, elle peut être prise aussi au sens de sans. Quand Jésus dit à ses disciples : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5), il va de soi qu’il veut faire entendre que sans lui l’homme ne peut rien. Comment a-t-on compris les choses pour l’Eglise au cours des âges ? Comment a-t-on concilié l’adage avec d’autres affirmations de portée opposée, soulignant la volonté universelle de salut de la part de Dieu et considérant la possibilité pour ceux du « dehors » d’être sauvés ? Il apparaît d’emblée que la formule est passée du premier sens au second.
Que vise exactement le terme d’Eglise ? « Dans les textes patristiques, écrit Y. Congar, ecclesia signifiait à la fois ce que nous appelons aujourd’hui la communauté chrétienne — c’est-à-dire le corps des fidèles — et l’institution de salut fondée par le Christ : Sponsa Christi, Mater fidelium [14]. » Il s’agit de la grande Eglise, celle que saint Augustin nommait la Catholica, dans son sens étymologique et non dans le sens confessionnel romain. Les Pères de l’Eglise avaient développé la conception très large de l’« Eglise depuis Abel » (Ecclesia ab Abel), faisant ainsi remonter le projet de salut de Dieu aux origines de l’humanité. Dans une telle perspective, l’Eglise embrasse la totalité de l’histoire. Mais le Moyen-Age tardif a développé un traité propre sur l’Eglise qui s’est davantage concentré sur ses institutions visibles : « A l’époque moderne, continue Y. Congar, en liaison avec tout un développement de l’ecclésiologie, […] le mot “Eglise” est pris de plus en plus dans le sens d’institution de salut : au point que certains textes distinguent, opposent presque “Eglise et les hommes ou les fidèles” [15]. » Cette ecclésiologie de l’institution est devenue une « hiérarchologie ». Dans ce mouvement, lié à la centralisation romaine du iie millénaire, l’Eglise devient de plus en plus identifiée à l’Eglise romaine. Or, être dans cette Eglise ou en dehors d’elle dépend de la communion ou non avec le pape. L’adage prend alors un sens de plus en plus institutionnel. Le terme d’Eglise se rétrécit sensiblement.
N’oublions pas non plus que le langage chrétien connaît d’autres formules analogues et en lien avec la nôtre : « Hors de la foi, pas de salut », « Hors du baptême, pas de salut ». Ces formules sont-elles plus ou moins synonymes ? En tout cas, leur interprétation reste solidaire.
Pas, ou il n’y a pas. C’est l’expression d’une exclusion. Mais l’ellipse de l’expression enveloppe la nature d’une telle exclusion, qui peut varier en fonction du fondement que l’on reconnaît à la nécessité d’être dans l’Eglise pour être sauvé. Cette négation est solidaire de l’interprétation que l’on donne à l’expression hors de.
Le terme de salut semble désigner toujours la même chose : il concerne la justification de l’homme et sa divinisation par la grâce en ce monde et sa glorification définitive auprès de Dieu. Tel ou tel théologien cherchera au cours de l’histoire à instaurer une distinction entre les deux aspects, se montrant moins exigeant pour la justification que pour la glorification. Mais déjà les pélagiens instauraient une distinction entre la vie éternelle et le royaume des cieux, émergence d’un fameux lieu intermédiaire qui se développera plus tard dans la théorie des limbes. D’autres en viendront à « subdiviser » le salut en évoquant la solution des « limbes », qui ne correspond évidemment pas au salut chrétien, mais aurait l’avantage d’éviter la perspective du châtiment éternel pour une masse d’hommes non évangélisés. Le terme de salut a donc aussi évolué au cours des siècles.
A travers ces quatre signifiants, nous sommes en présence de quatre paradigmes en fonction desquels la formule va être successivement interprétée. On voit tout de suite la palette possible de ces interprétations. La question est de savoir si celles-ci peuvent s’inscrire dans une continuité fondamentale et/ou quelle part de rupture il faut reconnaître dans leur histoire.
Pour une herméneutique des textes magistériels A travers l’histoire de l’interprétation d’une formule qui appartient à la tradition de l’Eglise, mon ouvrage cherche à se concentrer aussi sur son aspect magistériel, selon deux points de vue, à la fois connexes et distincts :
1[b]. En quel sens le magistère l’a-t-il enseignée ? Quelle variation y eut-il au cours des âges dans le sens qu’il lui donnait ? Peut-on rendre compte d’une continuité doctrinale en la matière, ou bien jusqu’où faut-il reconnaître la discontinuité, voire la contradiction ?
2. Quel est le degré d’autorité engagé par le magistère dans ce point de doctrine ? En quel sens son « infaillibilité » y est-elle en cause ? Pour répondre à ces questions, deux chapitres sont consacrés à une réflexion sur l’herméneutique magistérielle, c’est-à-dire les principes d’une interprétation correcte de documents répartis tout au long des 2 000 ans de l’histoire de l’Eglise et qui s’inscrivent manifestement dans des contextes historiques et culturels très différents
[/b].
Je ne suis évidemment pas le premier à étudier cette formule en raison de sa difficulté. Le terrain a été déjà généreusement labouré. Le livre de L. Capéran, Le Problème du salut des infidèles (dans sa dernière édition de 1934), reste un classique qui rassemble une immense documentation. Le P. Y. Congar avait fourni naguère une notice très érudite sur le sujet. Le théologien J. Ratzinger a lui aussi présenté rapidement l’historique de la formule et proposé une interprétation. En 1992, mon confrère jésuite américain Francis A. Sullivan a publié un livre dont le titre ressemble de près au mien, Salvation outside the Church [16] ? Ce théologien appartient à la province des jésuites de Nouvelle-Angleterre qui fut celle du P. Feeney, son ancien professeur. Ce dernier fut exclu de la Compagnie de Jésus et excommunié par l’Eglise pour avoir accusé d’hérésie l’archevêque de Boston, qui avait affirmé que des non-catholiques pouvaient être sauvés. Feeney interprétait donc l’adage traditionnel et dogmatique de la manière la plus stricte. Il ne voyait pas comment concilier la répétition solennelle de la formule dans les conciles et chez les papes du Moyen-Age avec l’affirmation de son archevêque. Cette douloureuse histoire, encore récente, puisqu’elle date de 1949-1950, montre que le lien entre le sens immédiat de l’adage et le sens qui lui est donné aujourd’hui fait problème. Mais, en même temps, elle en donne d’une certaine façon la solution, puisqu’elle montre que l’Eglise refuse d’entériner actuellement une telle interprétation et que la formule doit être comprise « dans l’Eglise » et avec le sens que l’Eglise vivante lui donne.
Mon point de départ est différent de celui du P. Sullivan : il vient directement d’une préoccupation concernant le langage dogmatique, quand celui-ci est affirmé irréformable ou infaillible. L’adage étudié est un cas d’école particulièrement important pour réfléchir à l’herméneutique des textes magistériels. Si les deux ouvrages abordent le même dossier de siècle en siècle et se livrent à l’interprétation de textes largement communs, leur orientation est cependant différente. F.-A. Sullivan s’attache au thème en tant que tel ; [b]mon souci est de questionner la valeur de la parole magistérielle et la succession de ses interprétations différentes à travers les temps[/b]. Bien entendu, je me réfère souvent à son travail, même si je remonte en amont et pousse l’enquête quelque peu en aval. J’ai entendu aussi élargir le problème, en cherchant la présence de la formule dans les autres traditions chrétiennes et en essayant de voir dans quelle mesure l’idée en était partagée par d’autres religions. J’ai tenu enfin, en raison de notre actualité immédiate, à passer au thème « Hors du Christ, pas de salut », qui en constitue le fondement de vérité.
Plus récemment, le livre de Jacques Dupuis, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux [17], a touché inévitablement à ce problème au cours de son enquête historique. Ma recherche a donc croisé souvent la sienne et s’en est enrichie. Mais l’objet du livre que je publie est formellement différent du sien, car je ne prétends pas proposer une théologie chrétienne des religions, ni une théologie du pluralisme théologique, mais simplement analyser historiquement et doctrinalement le sens d’une formule qui conditionne pour sa part ces deux problèmes.
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MessageSujet: Re: hors de l'Eglise point de salut   hors de l'Eglise point de salut EmptyVen 5 Déc - 15:38

Il suffit de lire ce que j'ai souligné en rouge dans le texte de Monsieur Sesboué, théologien officiel actuel.

A l'opposé des injures de M. Austremoine, entrecoupées d'autres sentiments hypocrites, cette fois, :
- de déclarations de fausse humilité, (je suis si ignorant...)
- d'appels à l'amour, (j'essaie d'être charitable...), à l'union,
- d'appels à la prière, prière qui est un vain mot.(il faut prier dans la crise)


ce "théologien" ultra moderniste pose avec intelligence le PROBLEME
theologique
Bien sûr il le résoud avec une SOLUTION PROFANE, scandaleuse pour nous, mais il a mérite de poser le problème ce qui n'est pas le cas chez ceux qui prétendent imposer un magistère éconien pratique (et qui ne sa scandalise de rien bien sûr) parce qu'il leur aurait suffi d'endosser une soutane pour nous conduire à Canossa de la Secte.
A nous de chercher la SOLUTION CATHOLIQUE au problème posé.

Noter l'hérésie publique;notoire, formelle, de Ratzinger est caractéristique: il évoque l'Eglise comme une structure juridique ! aucun "catholique" ne peut admettre AUJOURD hui que le "salut" serait réservé.
Encore une preuve que ces individus n'ont jamais compris que l'appartenance à l'Eglise n'était pas un privilège comme il le confonde ave leur héritage d'Européen, mais au contraire qu'elle leur engjoignait des obligations envers Dieu, et que leur salut n'était jamais assuré jusqu'à la dernière seconde de leur vie, et que leur baptême n'était pas un billet-aller pour leur ciel...

Avant de se préoccuper de sauver l'humanité entière, qui auraité été discriminatoirement oubliée par l'Eglise de Chrétienté, et aussi de prétendre réformer ce pauvre enseignement arriéré de Jésus de Nazareth et de son Eglise ringarde, ces individus devraient se préoccuper de leur propre salut qui est une effroyable responsabilité pour eux, à la mesure du don incommensurable qu'ils ont reçu gratuitement de Dieu...

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