La croix, notre force et notre gloire
D’après les Méditations du R.P. Hamon, qu’on peut trouver aux Editions Delacroix
Nous devons aimer notre croix parce qu’elle est notre force.
L’homme est si faible par lui-même, et, d’un autre côté, il est des positions si critiques, des défauts ou des passions si difficiles à surmonter, des vertus d’une pratique si pénible, qu’il faut qu’une force surnaturelle vienne au secours de la faiblesse humaine. Or, c’est dans la croix que réside cette force.
La croix à la main, on triomphe de toutes les difficultés. On trouve en elle un exemple qui confond toute lâcheté et surexcite le courage ; une garantie de nos immortelles espérances qui, élevant le cœur au ciel, le rend plus fort que la terre entière ; une grâce qui soutient, un amour qui provoque notre amour et inspire le dévouement, enfin le sceau des élus, qui nous invite à marcher par leur voie au but qu’ils ont atteint. Saint Paul s’attachait à la croix ; et appuyé sur elle, il s’estimait plus fort que toutes les tentations et toutes les épreuves.
Les martyrs et les confesseurs dans leurs tourments pensaient à la croix, et ils y trouvaient une force qui les rendait invincibles. Je souffre beaucoup, disait l’un d’eux ; mais qu’est-ce que cela comparé à ce qu’a souffert Jésus en croix ?
Imitons ces beaux exemples.
Eprouvons-nous des revers de fortune, jusqu’à sentir le dénuement de la pauvreté ; la nudité de Jésus en croix nous rendra chère la privation, et nous fera dire courageusement avec un saint :
Je suivrai nu Jésus-Christ nu.
Sommes-nous affligés dans notre corps par l’infirmité et la douleur, les plaies de Jésus en croix nous ferons chérir la souffrance, jusqu’à nous faire dire avec Saint Bonaventure :
Je ne veux point vivre sans souffrance en vous voyant dans la souffrance ; ou avec Sainte Thérèse
: Ou souffrir ou mourir ! " J’ai en horreur, disait cette grande âme,
la jouissance et ses aises, la sensualité et ses délicatesses. "
Sommes-nous en butte à la calomnie, à la déconsidération, au mépris ; les opprobres de Jésus en croix nous désillusionneront de l’amour de l’estime et de la louange. Nous n’en voudrons plus ; car comment faire cas de l’estime d’un monde qui a si mal apprécié la sagesse éternelle ? Comment vouloir être mieux traité, plus honoré qu’un Dieu ?
Enfin, avons-nous des peines intérieures à souffrir, un caractère à réformer, une volonté propre à dompter ; la douceur et l’obéissance de Jésus en croix nous rendront doux et dociles, simples et obéissants.
Ainsi en quelque position que nous soyons, quelques bouleversements qui se fassent autour de nous ou en nous, la croix sera notre force : avec elle nous triompherons de toutes les difficultés ; avec elle nous serons heureux dans la souffrance, riches dans la pauvreté, contents dans la contradiction.
Nous devons aimer notre croix parce qu’elle est notre gloire.
La croix et les souffrances sont un si grand honneur, que nos péchés mériteraient que nous en fussions privés, et que nous fussions condamnés aux richesses, aux honneurs et aux plaisirs du monde, contre lesquels Notre-Seigneur a prononcé ces terribles anathèmes :
Malheur à vous, riches ! Malheur à vous qui avez vos jouissances en ce monde ! (Luc, VI, 24-25)
L’âme à qui Dieu envoie ces faux biens devrait en être humiliée, confondue, et craindre d’être réprouvée un jour.
L’âme, au contraire, que Dieu favorise du don de la croix, doit craindre d’en concevoir de l’amour-propre, puisqu’alors elle est traitée en Dieu, assimilée à Jésus-Christ vrai Dieu, comme lui nourrie de souffrances, d’opprobres et de pauvreté.
Le monde, qui a des idées fausses sur la gloire, n’entend rien à ce langage ; cependant qu’y a-t-il de plus clair ?
Selon le monde, la gloire est dans la noblesse d’un rang illustre ; mais la croix donne au chrétien une noblesse plus haute que toutes les noblesses de la terre : par elle le chrétien est enfant de Dieu, avec droit de dire à Dieu : Notre Père qui êtes aux Cieux ; il est frère de Jésus-Christ et cohéritier du royaume céleste.
Selon le monde, la gloire est dans la possession de vastes domaines ; mais la croix m’assure le royaume des cieux pour héritage, un trône sur lequel je jugerai le monde, et des biens infinis auprès desquels le monde entier n’est rien.
Selon le monde, la gloire est dans la supériorité d’intelligence, qui a illustré tant de sages de l’antiquité ; mais auprès de la sagesse cachée dans le mystère de la croix, toute la sagesse du monde n’est que folie.
Selon le monde, la gloire est dans l’héroïsme du courage ; mais quels plus grands héros que ces disciples de la croix qu’on appelle les apôtres, les martyrs et tant d’autres saints ?
Enfin, selon le monde, la gloire est d’être admis dans l’intimité des grands et des monarques ; mais la croix m’introduit dans l’intimité de Dieu, de Jésus-Christ son Fils, de tous les anges et de tous les saints.
N’est-ce pas incomparablement plus glorieux ?
Honneur donc à la croix !
Qu’elle soit la bienvenue toutes les fois qu’elle se présente.
Honneur aux âmes crucifiées ! Ce sont les favoris de Dieu, ses privilégiés, qui portent les livrées du grand Roi Jésus.
Est-ce ainsi que nous apprécions la croix ? N’en avons-nous pas peut-être des sentiments tout opposés, jusqu’à murmurer et nous plaindre à son approche ?