PARIS (AP) - Le juge des référés du Conseil d'Etat a confirmé vendredi soir l'interdiction faite par la préfet de police de Paris à l'association d'extrême droite Solidarité des Français (SDF) de distribuer "une soupe au cochon" aux personnes nécessiteuses.
Mardi, le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait annulé l'ordonnance du préfet du 28 décembre, interdisant cette soupe populaire jugée discriminatoire. Une décision annulée à son tour par le juge des référés Christian Vigouroux. Il a estimé "que l'arrêté contesté prend en considération les risques de réactions à ce qui est conçu comme une démonstration susceptible de porter atteinte à la dignité des personnes privées du secours proposé et de causer ainsi des troubles à lordre public".
Il a encore jugé que le tribunal administratif "ne pouvait, sans entacher son ordonnance de contradiction de motifs, dune part retenir le caractère discriminatoire de lorganisation sur la voie publique, par lassociation Solidarité des Français, des distributions daliments contenant du porc, et dautre part estimer que larrêté portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de manifester".
"Seul le risque de trouble à l'ordre public autorise l'autorité administrative à prononcer l'interdiction d'une manifestation", avait en effet souligné le juge administratif, constatant certes le "but manifestement discriminatoire" de l'association, mais aussi que "le préfet de police ne rapportait nullement la preuve de l'existence d'un tel risque".
Le ministère de l'Intérieur avait fait appel de cette décision. Son avocat, Me Jean-François Boutet, a souligné vendredi après-midi que "la police administrative est une police de surveillance visant à préserver la paix sociale en protégeant l'ordre public". Il a par ailleurs estimé que les distributions de "soupe au cochon" ne relevaient pas d'une "manifestation" puisqu'elles n'étaient pas déclarées à la préfecture.
"La soupe de lard est traditionnellement la soupe des pauvres puisqu'elle constitue une nourriture complète", a rétorqué Me Bruno Le Griel, pour l'association SDF, affirmant qu'aucun musulman ou juif n'était forcé de consommer la soupe. Il a également relevé qu'aucune association musulmane ne s'était plainte de l'initiative de SDF qui relève de "la liberté de secourir autrui".
A l'audience, le président Christian Vigouroux a pour sa part cité les statuts de l'association qui prévoient qu'elle vienne "en aide aux personnes en difficulté, pour les aider à rebondir" tout en "respectant leurs individualités". Mais il a également noté des extraits du site internet de l'association où il a trouvé des citations comme "pas de soupe, pas de dessert" ou "les nôtres avant les autres". Il a précisé que le juge des référés pouvait prendre en compte des éléments extérieurs au litige même pour prendre sa décision en droit.
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, s'est immédiatement "réjoui" de cette décision qui "établit clairement la dimension discriminatoire dune telle opération dont sont exclues, de fait, les personnes de confession juive et musulmane".
"Elle répond totalement au voeu adopté par le Conseil de Paris dès juin 2004 qui demandait, précisément, que soit mis un terme à des initiatives aussi contestables", a ajouté le maire dans un communiqué, satisfait de l'interprétation "extrêmement claire de nos principes républicains, rappelant ainsi que légalité et la fraternité ne peuvent sexprimer dans la provocation ou le rejet des autres, en raison de leur identité ou de leurs convictions".
Jugées discriminatoires pour les juifs et les musulmans, que leur religion interdit de manger du porc, les distributions de "soupe au cochon" avaient déjà été interdites à Paris et Strasbourg. AP