...la transformation du langage à permis la Révolution, quelques extraits :
CITATIONS DE ‘LA TETE COUPEE’ de A.A. UPINSKY (Editions du Bief)
Sur les programmes scolaires :
« Cette abstraction croissante des chaînes du pouvoir remplit le vide introduit progressivement dans la tête des enfants dès l’école. » […]
« Pour y parvenir, on carence l’esprit de tous les enfants. On n’active qu’une partie des fonctions de leur cerveau. […] Il ne reste plus, alors, qu’à choisir dans le lot les plus dociles pour en faire des responsables. » […]
« Les carences intellectuelles introduites dans les programmes scolaires sont basées sur le principe du « diviser pour régner » […]
« Du côté des lettres la grammaire a été sacrifiée […]. Elle donne pourtant l’ensemble des règles pour parler, écrire et lire correctement tout en évitant de se laisser duper par de simples artifices de langage ! »
« Le langage ne peut plus porter la pensée »
Sur le langage nominalisme ou langage fort :
« Le livre de Nature est écrit en langue mathématique… sans l’aide de laquelle il est impossible de comprendre un seul mot ». (Galilée)
« Gare aux poètes ! Pour le nominaliste, le langage des mathématiques –projection de la volonté de puissance de l’homme sur le monde- sera, désormais, vérité d’Evangile.
Cette volonté de puissance est la clef du grand paradoxe du nominalisme, l’amalgame qu’il fait entre l’abstraction la plus pure et le matérialisme le plus épais. »
« Et comme jadis dans le duel judiciaire, de nos jours, dans un débat, celui qui gagne n’est pas celui qui dit la vérité, mais celui qui parvient à avoir raison des arguments de son adversaire grâce au rapport de force qu’il impose par son langage. »
Le langage fort est le langage du procès :
« Le procès est l’archétype même du langage fort.
D’une manière générale, comment le juge nominaliste calcule-t-il ses effets ? Tout d’abord, il ne doit jamais perdre de vue le fait que, dans tout procès, c’est le verdict final seul qui compte : le dernière ligne du jugement. Du début à la fin du procès, l’art du juge consistera donc à charger le bon côté de la balance pour conduire au total souhaité. […] Pratiquée avec art, la méthode est discrète et infaillible.
Ensuite, le juge doit paralyser l’esprit du prévenu et faire éclater ses certitudes en les soumettant à la plus forte pression possible. Pour atteindre cet objectif, pour vaincre à tout coup, le juge –qui est censé représenter l’intérêt général- doit opposer le particulier du prévenu au tout de la société. […] D’entrée de jeu, sa mise en accusation doit être aussi dégradante que possible.
C’est la raison pour laquelle, par définition, le langage judiciaire est chargé de mépris. […]
« C’est cette aliénation structurelle du prévenu […] qui surprend le plus le néophyte […] (qui) prend soudain conscience que, dès l’acte d’accusation, le langage utilisé ne laisse aucune chance à l’accusé. […]
« L’accusé réaliste croyant à la réalité du sens des mots, ne peut que se perdre dans le labyrinthe nominaliste du jargon judiciaire. Qu’il y est maladroit ! Ce qui permet au juge nominaliste de jouer avec lui comme le chat avec la souris. Or, justement, l’animal choisi par La Fontaine pour jouer le rôle du juge-expert Grippeminaud, est le Chat cannibale Raminagrobis. »
Sur le pouvoir occulte :
« Une puissance supérieure me pousse à un but que j’ignore ; tant qu’il ne sera pas atteint je serai invulnérable ; dès que je ne lui serai plus nécessaire, une mouche suffira pour me renverser » (Napoléon)
Sur l’antériorité du langage :
« La découverte de l’ADN, l’acide désoxyribonucléique –qui porte la signature génétique d’une personne- est exemplaire. Elle a implicitement réintroduit l’idée que le sens et le langage sont antérieurs à la sensation. »
Sur le terrorisme de l’opinion bâtie dans les salons au 18ème siècle, dans les officines pré-médiatiques de nos jours :
« C’est comprendre que la clef du pouvoir est dans la peur que chacun a de l’opinion des autres. Qui tient l’opinion, tient la source de la peur qui dicte à chacun de nous les plus irrésistibles de ses actes : ceux dont dépend notre survie. L’Opinion, c’est la peur des autres. »
Comment 1% = 100% :
« Ce qui fait la force du nominalisme politique, ce n’est pas sa vérité –il n’en a cure-, c’est la capacité qu’il donne à un groupe –un parti- de suivre les mêmes règles du jeu et d’en tirer un pouvoir invincible grâce à sa coordination. Grâce à lui, une infime minorité devient une armée, et la « majorité silencieuse » une simple poussière. Le nominalisme n’a pas besoin de vérité mais de décrets. La Constituante fera 2557 lois en deux ans ; la Législative, 1712 en un an ; et la Convention, 11210 en trois ans. « Plus un Etat a de lois, plus il est corrompu. » (Tacite) »
« Le fameux joueur d’échecs de Vaucanson, par exemple, donne une bonne idée du lien qui s’établit, au XVIIIème siècle, entre le mécanisme physique et la machination politique. Un nain était, en effet, caché à l’intérieur… »
« Quand la question des droits de l’homme fut mise en délibération dans les trente bureaux qui divisaient l’Assemblée, vingt-huit la rejetèrent. C’est à ce moment que député-avocat Bouche proposa que la discussion fût faite par l’Assemblée réunie. Et cette même question qui avait été repoussée séparément, fut acceptée en masse. « Elle fut alors adoptée d’après les cris et les menaces des tribunes » (Marquis de Bouillé). »
La mort programmée des derniers paysans :
Dans le secteur agricole, le mécanisme des prix devra presque en permanence repousser vers les activités industrielles les éléments de main d’œuvre agricole en excédent. Son action à sens unique tendra constamment à définir les revenus agricoles pour les maintenir au-dessous des revenus industriels. (…) Ainsi, le mécanisme des prix ne remplira son office dans le secteur agricole qu’en infligeant aux agriculteurs presque en permanence un niveau de vie sensiblement inférieur à celui des autres catégories de travailleurs. (Rapport Rueff-Armand, 1958)
Raminagrobis et le « rasoir national »:
« Pendant la Révolution, au milieu du bouleversement de tous les usages de la société Française, un seul langage est resté immuable : le langage judiciaire ! Quel aveu accablant ! « Dans cette tourmente la langue judiciaire, quoique honnie, garde seule son caractère traditionnel et se retrouvera à peu près intacte dans les Codes et les actes » (Précis de grammaire historique). […] Cette invulnérabilité de la langue judiciaire, sous la Terreur, loin de nous étonner doit nous apporter la plus éclatante confirmation que c’est « la langue judiciaire honnie » elle-même qui est la langue mère de la Terreur. […] Le langage terroriste de la Révolution est bien la forme achevée du langage fort des légistes de Philippe le Bel : le fer de lance du nominalisme. »
Très tôt en Angleterre :
« L’origine occidentale la plus ancienne du langage des droits est anglaise. Elle remonte à la Grande Charte de 1215, que Jean sans Terre se vit imposer par ses barons au lendemain de sa défaite de Bouvines (1214). Dès l’origine, le langage des droits se nourrit des défaites du roi. […] Etymologiquement, le langage des droits, c’est donc le langage des droits du Parlement contre le Roi ! »
Contre les langues régionales et les patois :
« A l’image de l’armée révolutionnaire, la langue révolutionnaire adopte l’attitude d’un envahisseur et fait la loi. Paix au français, guerre aux patois ! Et c’est bien la meilleure preuve que dans la Révolution le peuple n’est qu’un simple figurant. Interdit de langue, le peuple réel doit disparaître au seul profit du peuple abstrait des légistes. »
La langue nominaliste de l’avenir :
« Le but du novlangue était, non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’angsoc –le socialisme anglais-, mais de rendre impossible tout autre mode de pensée. (…) Le vocabulaire du novlangue était construit de telle sorte qu’il puisse fournir une expression exacte et souvent très nuancée, aux idées qu’un membre du Parti pouvait, à juste titre, désirer communiquer. Mais il excluait toutes les autres idées et même les possibilités d’y arriver par des méthodes indirectes. (…) le novlangue était destiné, non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée, et la réduction au minimum du choix des mots aidait indirectement à atteindre ce but » (Georges Orwell, 1984)
Les mathématiques modernes :
« Et les mathématiques du XXème siècle –l’axiomatique- sont celles de l’arbitraire du pouvoir car –à l’image des partis politiques- elles se considèrent comme déliées de la réalité extérieure, elles ne se préoccupent que de leur cohérence interne. La querelle des mathématiques modernes après 1968 a marqué l’entrée de l’axiomatique à l’école. Le but explicite de ces mathématiques était, non pas de donner une connaissance, mais de « faire acquérir un mode de pensée » (André Revuz). […] Sachant que la topologie ensembliste était le nerf de cette réforme, il est possible d’imaginer la mutilation mentale à laquelle la pédagogie moderne a prétendu soumettre les enfants en les privant de la géométrie euclidienne complète. […] « (Apprendre les mathématiques modernes) est un exercice de mémoire nocif à l’intelligence » (Professeur Leray de l’Académie des Sciences) »
L’inversion :
« L’homme révolutionnaire est un homme révolté qui inverse son langage pour justifier ses actes. […] Sa pratique quotidienne, criminelle au regard des lois usuelles, l’oblige à une contorsion verbale permanente. En effet, là où le chrétien appelle péché une transgression de l’ordre du Verbe, le vrai révolutionnaire, refusant de reconnaître sa faute, la justifie comme étant le vrai bien. »
Les Droits de l’Homme :
« (La Révolution) possède aussi ses nouveaux Dix Commandements : ce sont les Droits de l'Homme. Remarquez ici que l'on épelle l'Homme à la fois avec un «H» majuscule et au singulier. Il s'agit donc de l'homme universel abstrait, sans patrie, sans sexe, sans état, sans qualité. Et c'est par la magie du pouvoir diviseur du nombre et de la désinformation qui en découle que cet Homme général prend possession de tous les droits sur l'homme particulier, concret qui, lui, n'en détient effectivement plus aucun. »
« Tel est le principe grammatical du langage des Droits de l’Homme de 1789 : remplacer les hommes par l’Homme, le pluriel réaliste par le singulier nominaliste. Et il faut bien noter ici que ce passage du pluriel particulier au singulier collectif n’est qu’une conséquence de la Querelle du Nom et du Verbe ; »
« Qu’est-ce en effet, que la Terreur, sinon le fait que 0,5% de la population –maître du pouvoir- veut régénérer, à sa façon, les 99,5 autres, au nom des Droits de l’Homme-abstrait ? »
Les Bourgeois et leur corollaire:
« La ville est un lieu artificiellement clos où les premiers bourgeois se sont rassemblés pour se livrer à l’artisanat et à l’échange. Les bourgeois sont donc les fils de la géométrie, et la raison de l’esprit bourgeois est l’esprit de géométrie. […] Ils constituent « une classe nouvelle, née du déchet des autres », « un groupe de déracinés » animé d’une nouvelle morale positive illustrée par le Roman de Renard. »
« Les juristes – à force de légiférer à leur guise « au nom du roi »- finirent par comprendre que grammaticalement, ils pouvaient prolonger leur tyrannie en remplaçant le mot roi par celui de loi, ou de peuple, ou tout autre concept abstrait. Et c’est ce qu’ils firent à merveille à partir de la Révolution. Ayant exécuté le Roi, ils ne risquent plus désormais le désaveu du réel. […] Le peuple ne peut-il pas être, au choix du sophiste, douze personnes ou cinquante millions ? »
« Non seulement la victime n’arrive même plus à dénoncer son bourreau, mais elle apparaît comme responsable des violences dont elle est l’objet ! »
« Dès cette date (la mort du Roi), le fils de Louis XVI doit être déclaré « traître à la nation française, criminel envers l’humanité ». A l’inverse du péché chrétien, le crime révolutionnaire ne tient pas à ce que l’on fait mais à ce que l’on est. »
Le nominalisme triomphant :
« L’inquisition n’a jamais pu empêcher qu’il ne circulât en Espagne des livres contraires à la religion du plus grand nombre. L’empire de la majorité fait mieux aux Etats-Unis : elle a ôté jusqu’à la pensée d’en publier. » (Alexis de Tocqueville)